Chasser les immigrés était déjà un axe de sa politique. Et voilà que la récession, qui frappe durement l'Italie et contre laquelle il n'a aucune parade, lui donne l'occasion d'aller plus vite en besogne. Dans l'impossibilité de tenir ses promesses électorales, Berlusconi sort le démon de l'étranger qui mange le pain des Italiens ! Le flamboyant chef du gouvernement de la droite favorise désormais la dénonciation des immigrés illégaux dans les hôpitaux ! Après la guerre contre les juges qui ne lui avaient pas laissé de répit durant ses deux premiers mandats, Il Cavaliere se met à dos le monde médical. Le bras de fer a commencé sur fond de manifestations populaires contre son gouvernement qui se contente d'accompagner la crise économico-financière. La décision du gouvernement Berlusconi d'abolir l'interdiction pour le corps médical de dénoncer les clandestins provoque une vive indignation parmi les praticiens. Au-delà de la fondamentale question de principe, les clandestins malades vont voir leur situation s'aggraver. S'ils sont victimes d'une maladie contagieuse, cela représente un risque pour toute la population italienne, plaident des patrons de médecine. Indignés, médecins et paramédicaux lancent l'alarme : dans les hôpitaux et centres de santé, à qui sont adressées les invitations à la délation, des médecins portent des autocollants “nous ne sommes pas des espions”. La mesure n'a pour l'heure été votée que par le Sénat le 4 février dernier. Fortement voulue par le xénophobe parti de la Ligue du Nord, elle doit encore être approuvée par la Chambre des députés dans le cadre d'un projet de loi sur la sécurité sorti des placards du fascisme. Ce package comporte aussi le délit de clandestinité, un registre pour les sans domicile fixe ou encore la légalisation des “rondes padanes”, des milices populaires non armées qui procèdent à la chasse aux étrangers, notamment les basanés, les hommes de couleurs et les supposés islamistes. Bref, tout ce qui n'est pas blanc et chrétien. En quelques jours, la peur d'être dénoncé a entraîné une diminution du nombre de malades étrangers, de l'ordre de 20% selon les médecins, dans les hôpitaux et les centres de santé ! Et cela sans que les parlementaires européens bougent leur petit doigt. La loi de Berlusconi est plus que scélérate, elle viole de bout en bout tous les principes de Bruxelles. Heureusement qu'il y a la section romaine de Médecins sans frontières pour organiser la contre-offensive à Berlusconi en prenant la tête de la mobilisation contre sa loi immonde. La très grande majorité des médecins et des infirmiers italiens soutenus par leurs ordres professionnels respectifs ne devraient pas suivre l'invitation à la délation. À l'entrée de certaines structures sanitaires sont affichés des panneaux indiquant : “Ici nous ne dénonçons personne.” “L'Italie est en train de se précipiter vers l'abîme des lois raciales”, s'insurge Famiglia Cristiana, une puissante association chrétienne au cœur de la chrétienté et, de surcroît, humaniste. Le ministre de l'Intérieur de Berlusconi, Roberto Maroni de la Ligue du Nord, a décidé de porter plainte pour diffamation soutenant en substance qu'il fait la chasse aux clandestins, mais pas aux étrangers. Affaire à suivre. D. B.