Les narcotrafiquants en provenance du pays voisin tirent à vue sur les gardes frontières algériens et usent d'une rare violence à l'artillerie lourde pour passer des tonnes de kif traité vers l'Europe et l'Egypte, via la Libye et la Mauritanie. Un précédent d'une extrême gravité sur la bande frontalière algéro-marocaine. Le patron de la Gendarmerie nationale, Ahmed Bousteïla, ne compte pas passer sous silence une telle menace. Une batterie de mesures a été arrêtée au niveau de son commandement. Les tirs de sommation ne dissuadent apparemment pas les trafiquants de drogue qui roulent pour des cartels organisés et spécialisés dans le crime transfrontalier basés au Maroc. Bénéficiant de la complicité des gardes frontières du Makhzen, ces derniers passent à un mode opérationnel agressif. Sachant que les unités des GGF algériennes ont totalement verrouillé les points de passage, grâce à la mise en place de 154 postes de surveillance à la bande frontalière de l'Ouest et du Sud-Ouest, les narcotrafiquants issus de ce pays voisin passent à l'artillerie lourde. En plus des jumelles, des boussoles, des téléphones satellitaires Thuraya, des Toyota Station et des GPS, ils sont dotés (d'où ?) d'armes de guerre, comme les FM/PK et les PM pour passer directement à la confrontation et déclarer la guerre aux troupes des unités des GGF dans le Sud (Béchar et Tindouf), où ils se sont rabattus depuis quelques mois. Un précédent d'une extrême gravité qui interpelle les consciences dès qu'il s'agit d'une sérieuse menace de l'intégrité nationale et de l'économie nationale dans une zone aussi souveraine que la frontière. Une forme de trafic aux multiples corrélations, terrorisme et immigration clandestine, qui vient déstabiliser une Algérie aux portes du scrutin présidentiel. Mais il y a mort d'homme ! Deux gendarmes ont été tués par les narcotrafiquants au moment où les GGF tiraient des coups de sommation. Les tirs nourris de part d'autre ont donné lieu à l'arrestation d'un narcotrafiquant, un Algérien originaire de Bordj Badji-Mokhtar, à la saisie d'une importante quantité de drogue, mais surtout à la mort de deux valeureux éléments des GGF. Hier, lors d'une conférence de presse animée au commandement de la Gendarmerie nationale, le colonel Djamel Abdeslam Zeghida, de la division de la Police judiciaire, a affirmé que les narcotrafiquants marocains innovent en matière de trafic et de transit et sont dotés d'une artillerie de guerre. “Nous allons user de ripostes proportionnelles ! On va appliquer la loi dans toute sa rigueur. Il n'est plus question de coups de sommation. L'usage des armes appelle à l'usage des armes. Ces narcotrafiquants sont passés à la confrontation armée. Que reste-t-il ?” s'est interrogé M. Zeghida qui renchérit : “Nous allons défendre l'intégrité territoriale, quel que soit le coût et quelles que soient les pertes.” Nous atteindrons 60 tonnes en 2009 Cette sortie intervient notamment après la saisie de 15 tonnes de kif traité, dont 85% à Béchar et Tindouf, et l'arrestation de 1 261 personnes durant les trois premiers mois de 2009, soit 50% des saisies opérées en 2008 (30 tonnes) et une augmentation de 213% par rapport à l'année 2008. “Si l'on fait une projection approximative, on atteindra les 60 tonnes d'ici fin 2009”, dira M. Zeghida qui alerte l'opinion de tous ces dangers qui viennent du Maroc. “Autrefois, ils venaient grâce à deux éclaireurs au maximum. Maintenant ils sont éclairés par cinq à six motocyclistes. Chaque station est autonome en gasoil, en armes et en marchandises à faire transiter via l'Algérie. Autrement dit, ils ont décidé de passer aux armes lourdes, de tuer nos troupes et de fouler notre sol avec force. Qu'ils sachent que nous aussi, nous sommes plus que jamais déterminés à y faire face et quel que soit le prix à payer”, a encore déclaré le conférencier. Le Maroc et les cartels de drogue Pour remonter aux faits et à l'évolution de la situation, il faut rappeler que le Maroc a produit plus de 2 000 tonnes de résine de cannabis en 1996. L'expansion des champs de culture de cette drogue depuis l'année 2000 a également donné lieu à la “récolte”, en 2003, de 3 080 tonnes de résine de cannabis. Le chiffre d'affaires du marché du haschisch, par ailleurs très organisé sur 20 000 km carrés de terres fertiles, est actuellement estimé à 10 milliards d'euros. C'est que le DEA, un organisme américain de lutte contre la drogue, avait clairement relevé l'implication des narcotrafiquants marocains dans l'introduction de la cocaïne en Europe pour le compte des Colombiens. D'autres convoyaient même des drogues dures vers l'Espagne via les Îles Canaris. Pis encore, en septembre 2001, la gendarmerie de Kerma (Oran) avait démantelé un réseau qui acheminait quelque 600 kg de kif traité en provenance du Maroc. L'un des éléments clé du réseau n'était autre qu'un prothésiste dentiste affilié à l'ex-FIS (dissous), ayant participé dans différentes opérations de subversion et dont la complicité était avérée lors du passage de Rabah Kébir, des deux fils de Abassi Madani et des passeurs des Algériens qui s'entraînaient en Afghanistan vers les maquis terroristes. Les faux nomades, eux aussi, ayant des liens familiers avec des Marocains (sous le couvert d'éleveurs de bétail), exploitent, actuellement, le zones steppiques pour s'installer et servir d'éclaireurs et de complices pour introduire la drogue en Algérie. En témoigne l'affaire traitée par la Gendarmerie nationale d'El-Kheiter d'Al-Bayadh, qui a remonté la filière jusqu'aux zones d'Al-Qasdir, de Mechria et de Makhzen Ben-Amar à Naâma. Mais, il y a aussi la corrélation avec le trafic d'armes et d'explosifs. Pour preuve, lors d'un accident de la circulation survenu le 23 mars dernier à Sebdou, les gendarmes ont découvert sur les deux passagers blessés à bord d'une Audi 80 (2 autres ont pris la fuite) 116 mines antipersonnel qui allaient servir pour la fabrication de bombes artisanales en Algérie. La matière grise provient évidemment du Maroc. Auparavant, les gendarmes ont saisi des détonateurs, de la TNT et autres gadgets servant à la fabrication d'explosifs en provenance du pays voisin. FARID BELGACEM