Très attendu par les opinions israéliennes et palestiniennes, mais aussi arabes et internationales, le discours sur la paix au Proche Orient, prononcé dimanche par le Premier ministre de l'Etat hébreu dans une université de Tel-Aviv, aura été, au total, sans surprise. Déclinée en une demi-heure sur un ton solennel, exception faite de l'évocation d'un Etat palestinien démilitarisé, l'allocution a été consacrée principalement à justifier l'attitude d'Israël qui a prévalu jusqu'ici. Benyamin Netanyahou s'est surtout attardé sur les exigences d'Israël. En revanche, il a été très discret sur les éventuelles concessions qu'il serait prêt à faire pour relancer le processus de paix et le faire avancer. Cependant, pour la première fois depuis son investiture, le 1er avril dernier, à la tête du gouvernement, Netanyahou s'est dit prêt à accepter l'idée d'un Etat palestinien. Mais cet Etat, il en a dessiné les contours et l'a vidé ainsi de sa substance. Il ne faudrait pas, selon lui, que le futur Etat palestinien dispose d'une armée, par exemple. En somme, il ne saurait s'agir d'un Etat de pleine souveraineté, mais d'une entité à souveraineté limitée. En la matière, on peut parler d'avancée sémantique car, dans les faits, ce qui est proposé n'est pas loin de l'idée d'indépendance économique et d'autonomie politique interne préconisées jusqu'ici. Sur toutes les autres questions, le Premier ministre s'est contenté de développer un argumentaire en faveur des positions antérieures de son gouvernement. Pas question, donc, de démanteler les implantations coloniales de Cisjordanie, dans lesquelles vivent quelque 300 000 Israéliens, et pour lesquelles il a revendiqué, encore une fois, le droit de croissance naturelle. Pas question, non plus, de céder sur l'intégrité de la ville de Jérusalem qui relèverait de la seule souveraineté israélienne. Il a opposé ainsi un non catégorique à la revendication territoriale des Palestiniens sur Jérusalem-Est, où sont déjà installés quelque 180 000 Israéliens. A contrario, il a exigé de nouveau des Palestiniens et du monde arabe la reconnaissance d'Israël comme Etat du peuple juif, ce qui interdirait définitivement le retour des réfugiés sur la terre de leurs ancêtres, ce problème devant trouver une solution humanitaire, selon Benyamin Netanyahou, mais hors des frontières de l'Etat d'Israël. Après avoir tout balisé et fermé toutes les portes à une solution négociée, comme l'a souligné un porte-parole de l'Autorité de Ramallah, le chef du gouvernement israélien s'est dit prêt à rencontrer tous les chefs d'Etat arabes et a invité les Palestiniens à entamer immédiatement les négociations, même si les questions territoriales doivent être différées. Loin d'une invitation sérieuse au dialogue, il s'agit surtout d'un message en direction de l'opinion internationale en général et de Washington en particulier. Sûr d'essuyer le refus des Palestiniens, il voudrait leur faire porter la responsabilité de l'impasse. Au cœur de l'argumentaire de Benyamin Netanyahou, la sécurité d'Israël. La réélection tapageuse de Mahmoud Ahmadinejad en Iran et ses relations avérées avec le Hezbollah libanais et le Hamas palestinien sont, dans ces conditions, comme de l'eau bénite pour le Premier ministre israélien, qui s'en est donné à cœur joie pour développer son discours sécuritaire. Dans la foulée, il a exigé de l'Autorité palestinienne de neutraliser — rien que ça ! — le Hamas, qui s'est rendu maître de la bande de Gaza. En réalité, depuis l'avènement de Hamas, et tout particulièrement depuis sa victoire aux législatives palestiniennes et sa prise de contrôle de la bande de Gaza, le mouvement islamiste a régulièrement servi aux autorités de Tel-Aviv à la fois d'argument et de prétexte. Or, ce sont les manœuvres israéliennes pour affaiblir et discréditer l'Autorité palestinienne qui ont conduit au développement du Hamas. En fait, si le Hamas n'existait pas, Israël l'aurait inventé. En définitive et, sans surprise, le discours tant attendu de Benyamin Netanyahou est davantage destiné à gérer les relations tendues avec l'allié américain qu'à ouvrir de réelles perspectives de paix. L'évocation, pour la première fois, d'un Etat palestinien sera-t-elle suffisante pour convaincre Washington ? Sans doute pas. En revanche, elle permettrait de ne pas aggraver les dissensions apparues entre les deux capitales israélienne et américaine. Cela semble suffire à Netanyahou dont la stratégie se confirme jour après jour : gagner du temps et espérer un locataire de la Maison-Blanche plus conciliant en 2012.