Le Proche-Orient est un terrain fertile pour la diplomatie comme l'atteste l'incessant va-et-vient de hauts responsables. C'est ainsi que la visite du président turc a succédé à celle de son homologue russe avec à chaque fois des déclarations d'intention, aussitôt remises en cause par Israël, comme l'annonce lundi de la création de la première université israélienne dans une colonie de Cisjordanie, alors que le président turc proposait sa médiation. Vladimir Poutine, quant à lui, a clôturé vendredi son périple au Proche-Orient. Cette visite sans précédent, mais rapidement qualifiée d'historique par certains médias, avait débuté mardi au Caire, la capitale égyptienne. C'est la première fois depuis 40 ans qu'un chef d'Etat russe ou soviétique foule le sol de ce pays. Arrivé dans la région avec l'intention d'assurer à la Russie une place importante dans le processus en cours au Proche-Orient, le président russe s'est très vite rendu à l'évidence, c'est-à-dire que cette mission relève de l'impossible. En effet, alors qu'il n'avait pas encore quitté le Caire pour Tel-Aviv, sa deuxième destination, les Etats-Unis et Israël ont annoncé leur rejet poli, mais catégorique de sa proposition d'accueillir à Moscou, l'automne prochain, une conférence internationale sur le Proche-Orient que les Palestiniens ont salué. « Nous proposons une conférence internationale sur la paix au Proche-Orient, avec la participation du Quartette et de toutes les parties concernées par les négociations », avait-il déclaré. « Nous estimons que le moment viendra d'organiser une conférence internationale, mais nous n'en sommes pas là pour l'instant et je ne pense pas que tel sera le cas d'ici à l'automne », a déclaré Scott McClellan, porte-parole de la Maison-Blanche. « Nous apprécions l'engagement du président Poutine en faveur de la Feuille de route », a-t-il poursuivi, évoquant le plan de paix international élaboré par le Quartette (les Etats-Unis, la Russie, l'Union européenne et l'ONU). Les mêmes échos sont parvenus de Tel-Aviv où le gouvernement israélien ne veut absolument pas entendre parler d'un autre médiateur que son fidèle allié américain, dont il est sûr de la totale partialité. La mauvaise situation dans laquelle s'est retrouvé Poutine a contraint son ministre des Affaires étrangères, Sergei Lavrov, à déclarer qu'il s'agissait d'un malentendu. « Il y a malentendu. Le président Poutine a proposé la tenue à Moscou d'une réunion d'experts de haut rang dans le cadre du conflit israélo-palestinien », a-t-il déclaré. La réalité est que le non américano-israélien a forcé le président russe, à abandonner son projet de conférence internationale pour le Proche-Orient. Pis, lors de sa visite à Tel-Aviv, il n'a pas cessé de fournir des assurances à l'Etat hébreu. Concernant la vente de missiles sol-air à la Syrie, Poutine s'est engagé à ce que ces armes « ne parviennent pas à des organisations terroristes » et promis que la Russie y veillera. « Le système que nous allons fournir à la Syrie est à courte portée et ne menace en aucune façon le territoire israélien », a-t-il déclaré. Ce dossier avait suscité de vives protestations au sein du gouvernement israélien. S'agissant d'un autre dossier controversé, M. Poutine s'est dit opposé au développement d'une arme atomique par l'Iran, affirmant que la coopération entre Moscou et Téhéran dans ce domaine se limitait à l'utilisation de l'atome à des fins civiles. « Nous travaillons avec l'Iran pour l'utilisation de l'atome à des fins pacifiques et nous sommes contre tout programme destiné à doter l'Iran d'une arme atomique », a assuré le président Russe. il a par ailleurs assuré Ariel Sharon, Premier ministre israélien, de la détermination de la Russie à coopérer activement avec l'Etat hébreu dans le domaine de la lutte contre le terrorisme. Le président Poutine a même déclaré que la Russie est un allié stratégique d'Israël. Cette visite a quand même eu le mérite de montrer, aux responsables palestiniens ainsi qu'au reste de l'opinion publique palestinienne, que la Russie de Poutine est devenue un pays ordinaire qui ne peut en aucun cas prétendre à un plus grand rôle que celui accordé par la seule puissance mondiale actuelle, en l'occurrence les Etats-Unis d'Amérique. Que pourra alors le chef de l'Etat turc qui, faisant valoir ses bons rapports avec Israël et les Palestiniens, a proposé lundi sa médiation dans le processus de paix. M. Erdogan a estimé qu'Israël ne s'opposerait pas à un tel rôle, affirmant que son homologue israélien Ariel Sharon l'avait assuré la veille, lors de leur rencontre à El Qods, que la Turquie avait « un important rôle à jouer dans les efforts de paix ». M. Erdogan avait déjà proclamé en Israël dimanche la disposition de son pays à servir de médiateur dans le conflit israélo-palestinien, mais le ministre israélien des Affaires étrangères, Sylvan Shalom, s'est déclaré lundi opposé à une éventuelle médiation turque. « Nous disons à la Turquie, à la Russie et à d'autres pays que, pour se rendre de Jérusalem à Ramallah, il ne faut que 30 minutes et qu'il est donc possible de se rencontrer sur place sans aller à l'étranger », a prévenu M. Shalom. C'est devenu une règle, voire un cercle fermé où il n'y a de la place que pour Israël et les Etats-Unis. L'Europe le sait déjà et même trop bien.