Sidi Mohamed Ben Salah était un saint homme. Il était arrivé d'on ne sait d'où dans le village de Zenina. Regroupés sur la place du village, les habitants discutaient de leurs intérêts communs. Le marabout les interpelle : “Ô gens de Zenina ! Vendez-moi vos terrains et vos maisons. Je vous les paie avec cent vaches noires et leurs veaux.” Or, le nouvel arrivant ne portait que des haillons. En voyant sa mise, les membres de la djemâa éclatèrent de rire. Sans se démonter, Sidi Mohamed récita son offre. “Qu'un seul d'entre vous me suive de ce pas pour prendre possession des vaches”, leur lance-t-il. Les hommes haussent les épaules et poursuivent leurs palabres. Cependant, un des villageois décide de suivre le mendiant. Arrivés à l'endroit qui porte le nom de Begarya, les deux hommes s'arrêtent. Sidi Mohamed ordonne alors à l'homme de fermer les yeux. Puis, il commence à compter tout haut : un, deux, trois... jusqu'à quatre vingt-dix. Le villageois entend soudain un bruit étrange et des piétinements désordonnés. Intrigué, il ne peut s'empêcher d'ouvrir les yeux. Ce qu'il voit le remplit de stupeur : un énorme troupeau de vaches noires se tient devant lui. Aussitôt, l'homme s'agenouille devant le marabout, le suppliant de lui pardonner d'avoir été incrédule. Mais, Sidi Mohamed lui reproche d'avoir ouvert les yeux avant sa demande. “Pour te punir, vous ne recevrez que 99 vaches noires au lieu des 100 promises”. En voyant les vaches débouler, les habitants de Zenina restent interdits. Un acte en bonne et due forme est rédigé malgré la réticence de certains villageois qui soutiennent avoir accepté le marché pour l'unique raison qu'ils croyaient que c'était une plaisanterie. Le marabout entre dans une grande colère et murmure des incantations. Quelques jours plus tard, une terrible épidémie décime tout le village. Au bout de trois mois, tous les Baderna, les anciens propriétaires, sont fauchés par la mort. C'est ainsi que les Baderna de Tissemsilt se disent descendants de ceux de la Zenina. Quant à Sidi Mohamed, il se retrouva seul au milieu d'une quarantaine de maisons abandonnées. Des gens vinrent ensuite s'établir dans les maisons vides auprès de Sidi Mohamed Ben Salah et parmi eux, un certain Sidi Youb, un saint homme arrivé de Saquiet el Hamra. Nadia Arezki [email protected]