Bien que des sommes colossales aient été déboursées pour la réalisation des infrastructures pédagogiques et pour la mise à niveau effective du système éducatif, le secteur connaît une hébétude préoccupante, notamment dans les régions enclavées. La commune d'Idélès, pour ne citer que celle-ci, en est un exemple éloquent. Située à plus de 250 km du chef-lieu de la wilaya de Tamanrasset, ladite commune, constituée de 14 villages et de plus de 6 000 âmes, souffre éperdument du manque d'infrastructures scolaires. Dotée uniquement d'un CEM et de 7 écoles primaires implantés dans le chef-lieu communal et dans les villages d'Amguid, Abd-Nizi, Mertoutek, Herafok, la commune reste très en deçà de ses besoins et la prise en charge des nouveaux inscrits s'avère difficile. Les établissements existant sont en piteux état et ne semblent aucunement être au centre d'intérêt des responsables concernés. “Les 15 classes du Cem Moufdi-Zakaria sont trop exiguës pour contenir le nombre d'inscrits pour cette année. En plus du sureffectif, soit 35 à 40 élèves par classe, nous avons du mal à gérer les classes roulantes. Pour achever le programme à temps, on est contraint de reconvertir les laboratoires en classes”, déclare un enseignant de maths, faisant remarquer que la rentrée scolaire n'est qu'officieuse en raison de l'absence de moyens de transport qui font cruellement défaut et de l'internat pour les élèves des villages lointains, à savoir Tahighaout et Amguid, distants du chef-lieu communal respectivement de 560 et 360 km. “Aucune route n'est bitumée. Le réseau routier constitué de pistes relativement carrossables est à l'origine de l'enclavement de certains villages et hameaux pour ne pas dire toute la commune. Les parents, nomades pour la plupart, peinent à trouver le moyen de transport pour ramasser leurs chérubins. Pour aller au CEM, les élèves de Tahighaout, de Agharis et d'Armedj font deux jours de route pour rejoindre les bancs de leur école, bravant ainsi tous les risques et surprises du démon du désert”, ajoute notre interlocuteur, précisant en sus que l'internat de l'établissement, d'une capacité de 250 places, fonctionne avec des moyens dérisoires et des équipements rudimentaires. Dans ce contexte, el-hadj A. A., quinquagénaire vénéré de la région, soulignera que “les établissements dotés d'internat accusent un manque de personnel et fonctionnent avec des agents travaillant dans le cadre du dispositif filet social. Nous avons signalé ce problème à maintes reprises, en vain. Aucune mesure n'a été entreprise”. À la question sur l'hygiène en milieu scolaire, el hadj répondra avec ironie que “c'est une notion théorique, loin d'être appliquée au vu de la qualité des menus desservis et de tout ce qui se trame dans les internats”. “Le malheur, enchaîne-t-il dans une déception perceptible, les élèves loqueteux restent parfois toute une journée sans mettre un bout sous la dent et leurs parents sans revenu aucun demeurent incapables de les prendre en charge. En conséquence, la commune enregistre un taux d'absentéisme épatant. D'aucuns, lamentés par le sentiment d'être une charge engourdissant leurs parents démunis, finissent par quitter l'école, notamment les élèves de sexe féminin.” “Loin des yeux, loin des autorités. Où est l'Etat ?” se lamente un citoyen peu prolixe. Dans un rapport adressé aux hautes autorités de la wilaya et dont nous détenons une copie, les citoyens demandent la coopération effective des responsables compétentes pour résoudre cet écueil en dressant un tableau, on ne peut plus, noir sur le parcours scolaire des élèves. À commencer par l'épineux problème du ramassage scolaire et celui du manque d'enseignants. “Pour atteindre le Cem, on faisait quatre jours de route. On faisait du stop puisque les camions de l'APC, déployés à cet effet, ne viennent que rarement. On venait souvent à bord des camions de marchandises”, se souvient un enseignant d'Amguid qui se dit être parmi les premiers bacheliers de la région, corroborant en sus que “l'affectation des enseignants nouvellement nommés se fait souvent en mois de novembre et, parfois, à la fin du trimestre, particulièrement les enseignants des langues étrangères. Ce sont malheureusement nos mômes qui en font les frais”, regrette-t-il. Par ailleurs, l'absence d'un lycée devant accueillir les admis au BEM a été mise en exergue et Idélès n'est, semble-t-il, pas touchée par l'instruction du premier magistrat du pays quant à la construction d'un lycée dans chaque commune. Les habitants ne cessent de manifester leur mécontentement, notamment quand ils pensent au calvaire de leurs bambins contraints de se déplacer dans les communes mitoyennes pour leurs études secondaires, soit à Aïn-Mguel, Tazrouk et Tamanrasset en déboursant entre 600 à 1 000 DA. “Il faut dire que les parents, excédés par les charges familiales, ne peuvent nullement assurer le suivi ni les frais rognés de leur maigre bourse. On fait des centaines de kilomètres pour aller au lycée alors que l'Etat disposent de tous les moyens nécessaires pour venir à bout de ce problème, d'autant plus que notre commune répond aux normes exigées pour bénéficier d'un tel projet”, clame un responsable de quartier, non sans signaler qu'au vu de la distance et l'importance des charges, certains parents privent leurs filles de continuer les études et se contentent d'un BEM pour s'occuper tôt du foyer. Cette situation préoccupent plus d'un, surtout dans une commune où même la formation professionnelle est limitée. En effet, l'annexe du centre de formation professionnelle et d'apprentissage d'Idélès, où sont programmées seulement trois spécialités, dont la couture et l'informatique, s'avère insuffisant pour absorber la classe juvénile livrée à elle-même ou encore loin d'intéresser les jeunes ambitionnés par les métiers d'avenir en mesure d'endiguer l'hydre du chômage. Enfin, réussir dépend de la volonté de chacun et “ceux qui ont réussi dans leurs études en décrochant le visa pour aller à l'université, nonobstant toutes ces entraves, demeurent les paradigmes à suivre”, conclut el-hadj A. A.