Comme pour marquer dans le sang le huitième anniversaire du déploiement de la force multinationale en Afghanistan, les rebelles talibans, appuyés par les forces d'Al-Qaïda, ont mené une attaque d'envergure contre des postes de l'armée américaine situés a proximité de la frontière avec le Pakistan. Cela s'est passé samedi et dimanche derniers et s'est soldé par la mort de huit soldats américains et de deux policiers afghans. Dans la foulée, les insurgés ont capturé 13 autres policiers afghans et deux journalistes travaillant pour une station de radio créée par l'armée américaine. Estimés à plusieurs centaines, les assaillants seraient venus du Pakistan voisin, plus précisément de la vallée du Swat. Depuis lundi, une contre-offensive des forces internationales a été déclenchée, mettant en œuvre des moyens impressionnants, pour tenter de libérer les otages de l'armée insurgée, mais aucune information n'a filtré sur ses résultats. L'armée américaine, en perdant huit hommes, a essuyé la plus grande perte journalière depuis plus d'un an. Au total, les forces internationales ont perdu quelque 400 hommes depuis janvier 2009 dont deux tiers d'Américains et leurs pertes depuis le début des opérations sont évaluées à 1500 hommes, ce qui réveille dans certains milieux américains le syndrome du Vietnam. Les coups de main sanglants des talibans ces derniers mois interviennent sur fond d'un débat qui frise la polémique aux Etats-Unis. Les généraux font pression sur Obama pour renforcer les troupes sur le terrain avec 30 000 à 40 000 hommes en plus des 21 000 dont il a décidé l'envoi dès le début de son investiture, alors que l'opinion publique américaine affiche de plus en plus son hostilité et souhaite ouvertement le retrait américain du terrain des opérations. Le général Stanley McChrystal, à la tête des 100 000 hommes de la coalition internationale déployés en Afghanistan, dont 68 000 Américains, a multiplié les déclarations ces derniers jours, au point où des observateurs se demandent s'il n'est pas en train de violer le principe constitutionnel des Etats-Unis qui consacre la primauté de l'autorité civile sur les forces armées. Jeudi dernier, il a donné une conférence à Londres, dans un institut spécialisé, où il a dénoncé l'approche attribuée au vice-président Joe Biden selon laquelle il faut se concentrer sur l'antiterrorisme plutôt que de renforcer les effectifs. Ce serait le “Chaos-istan” a-t-il ironisé. Le lendemain, vendredi, le président Obama, qui était à Copenhague, l'a convoqué. Ils ont eu un entretien en tête-à-tête duquel rien n'a filtré. Dimanche, cependant, le général Jones, conseiller à la sécurité à la Maison-Blanche, a évoqué indirectement la question en déclarant que “dans l'idéal, le mieux est de respecter la chaîne de commandement.” La question est si présente, même si l'on refuse de l'évoquer officiellement, que le secrétaire à la Défense, Robert Gates, a volé lundi au secours du général en déclarant dans un enregistrement de la télévision CNN que “McChrystal est exactement la bonne personne pour être le commandant en Afghanistan aujourd'hui.” Il a également expliqué, abondant dans le sens de la requête des généraux, que les talibans tirent leur dynamique aujourd'hui de l'incapacité des Etats-Unis et de leurs alliés de déployer assez de soldats aux Etats-Unis. Il s'est toutefois interdit tout pronostic sur la décision finale que prendra le président Obama, se contentant d'affirmer que quelle que soit la stratégie arrêtée, le général McChrystal s'évertuera à la mettre en œuvre aussi efficacement que possible. Robert Gates a été toutefois formel sur un point. “Nous ne quittons pas l'Afghanistan!” a-t-il affirmé, en précisant que la recherche d'une nouvelle stratégie concerne les étapes prochaines et que le président Obama prendra des décisions capitales.