A force de rester, planté là, à regarder passer les trains, on risque de rater le bon ! Une situation qui semble bien s'apparenter à la politique de la ressource humaine dans de nombreuses entreprises et institutions nationales. Rien, sinon pas grand-chose n'est entrepris pour motiver, voire encourager les compétences. La grille des salaires est inflexible, les primes, quand elles existent, sont octroyées selon des critères qui ne font pas que des heureux, la carrière professionnelle des cadres n'évolue pas au même rythme pour tout le monde, et sur le plan de la technicité, les moyens ne sont pas toujours réunis, parce que souvent soumis à l'appréciation inexacte des responsables administratifs. C'est un peu, sans grossir le trait, la condition vécue par le génie algérien en Algérie. Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras ! Aujourd'hui, on pense à attirer tous ces créatifs Algériens établis à l'étranger. Peine perdue ? On ne le sait pas ! Mais ce que nous savons par contre et qui relève encore du domaine du possible, c'est comment garder tous ceux qui sont encore là, avant de les surprendre demain candidats à l'exode intellectuel. “Une truite dans la marmite vaut plus que deux saumons dans la rivière”, dit un bel adage irlandais. Ils ne partiront peut-être pas tous, mais ceux qui ne sont plus au pays représentent déjà une incommensurable saignée. Un immense manque à gagner pour l'entreprise algérienne. Ils sont près d'un demi-million de génies nationaux à faire le bonheur des économies étrangères. Et l'hémorragie n'est pas près de s'arrêter. À moins qu'on n'opte pour la délictualisation de la fuite des cerveaux, comme c'est devenu le cas des harragas. Ce qui serait loin de constituer une sérieuse option. L'Etat algérien, à défaut de ramener les nationaux expatriés, devrait se focaliser davantage sur ce qui serait possible de faire pour maintenir les intellectuels à haut potentiel, encore présents à travers tout le pays. À méditer... l'exemple d'une importante entreprise privée, bien de chez nous, qui a réussi le pari de créer un environnement des plus respectables pour l'épanouissement des compétences locales, leur offrant toutes les commodités sociales et matérielles. Ces cadres ont ainsi la tête bien vissée sur les épaules et mis leur génie au service de leur société. Ils ne scrutent point l'horizon ! Et c'est vital pour l'économie nationale. Nul n'est prophète en son pays. Selon une estimation de M. Fetah Ouzzani, président du Réseau des Algériens diplômés des grandes écoles et universités françaises (Reage), d'ici 2020, l'Europe, à elle seule, comptera plus d'un million de cadres d'origine algérienne, dont des dizaines de milliers à des postes significatifs de responsabilité . “Ils sont des dizaines de milliers de cadres algériens à faire le bonheur des économies occidentales dans tous les domaines. Ils sont majoritairement en France, au Canada, en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. Leur nombre, qui évolue d'année en année, avoisine actuellement le demi-million. Dans le monde, essentiellement en Europe, des centaines de milliers de cadres et de chefs d'entreprise d'origine algérienne évoluent dans des secteurs économiques stratégiques (énergie, santé, TIC, finances…), de plus en plus à des niveaux décisionnels.” Aussi, d'après une agence spécialisée dans les systèmes d'évaluation des capacités algériennes pour le compte de grandes sociétés multinationales, l'on assiste à un véritable saignement des compétences qui se déroule à ciel ouvert, dont les domaines les plus touchés sont les métiers de haute technologie. Les ingénieurs viennent en tête de liste : hydrocarbures, génie civil, BTP, hydraulique, électricité, énergie, domaine de la finance, des assurances et de la banque. Communication interne Certains experts préconisent la communication interne d'entreprise comme solution stratégique contribuant d'une manière efficace à fixer les compétences à leur poste. Parmi les secteurs d'activité qui souffrent du départ massif de ses compétences, il y a celui de l'énergie et des mines. À l'image de la compagnie pétrolière algérienne Sonatrach qui perd de plus en plus ses cadres, les plus qualifiés et les plus expérimentés. Des offres alléchantes leur sont faites. Des compagnies pétrolières étrangères, notamment celles installées dans le sud du pays, offrent des salaires trois à cinq fois supérieurs et d'autres avantages (hébergement luxueux et formation dans des instituts spécialisés). Bien que le salaire des travailleurs de la Sonatrach soit considéré comme le plus avantageux au niveau national, il demeure un des plus faibles par rapport au secteur des hydrocarbures dans le reste du monde. D'ailleurs, devant cette situation tellement préjudiciable à la société, le ministre de l'Energie et des Mines a sollicité, à maintes reprises, les cadres de la Sonatrach expatriés à revenir, contre de meilleures conditions de travail et de rémunération. Les spécialistes des ressources humaines ne s'expliquent pas comment une entreprise à haut besoin en technicité emploie un personnel administratif aussi nombreux. Une pléthore qui tire vers le bas le poumon de l'économie algérienne de par son mode de recrutement anarchique. Le même cas de figure est vécu à Sonelgaz, l'autre grande entreprise publique du secteur de l'énergie. Ainsi, le départ à la retraite de la majorité de ses cadres à l'horizon 2010/2012 est un autre problème pertinemment évoqué par le patron de l'entreprise à propos de la relève. La ressource humaine, première richesse À l'occasion d'une rencontre sur la formation dans le secteur de l'énergie et des mines, le ministre de tutelle, Chakib Khelil, a relevé que “dans le contexte d'aujourd'hui, nous pouvons constater que le plus important facteur de succès repose sur ce qui a été longtemps négligé jusqu'alors : à savoir les ressources humaines”. Pour le ministre, “les entreprises gagnantes seront celles qui parviendront à mieux gérer les ressources humaines et pour ce faire, ce seront celles qui seront dotées d'une fonction ressources humaines efficace et compétente”. Dans ce contexte, le facteur de la rémunération et celui de l'environnement jouent un rôle important. Les entreprises du secteur perdent beaucoup de cadres, attirés par les conditions des compagnies internationales (salaires et conditions de travail). À rappeler cependant le leitmotiv de M. le ministre : “L'homme est la première et l'ultime richesse du pays. C'est mon credo.” R. L.