Le climat dans la capitale égyptienne demeure tendu quatre jours après le match du samedi 14 novembre au Cairo-Stadium. Les dérapages médiatiques se poursuivent. Mais les derniers supporters algériens qui ont vécu l'enfer au Caire sont décidés à rejoindre coûte que coûte les verts pour le match de la dernière chance qui aura lieu aujourd'hui à Khartoum. C'est le calme qui précède la tempête. La tension a baissé un peu, mais l'atmosphère est lourde. Des regards suspicieux sont dirigés contre toute personne qui ne ressemble pas au type égyptien ou encore européen, avant de poser la question piège qui lancera peut-être l'assaut : Vous venez d'où ? Depuis le match du 14 novembre, les algériens ont ravalé leur fierté en se faisant passer pour des tunisiens, des marocains ou encore des italiens afin d'échapper à la vindicte populaire. Hier encore, un jeune algérien a reçu une pierre à la tête, lorsque son accent de l'ouest de l'Algérie l'a trahi à quelques mètres de l'ambassade d'Algérie, située à l'avenue du Brésil au quartier huppé de Zamalek. Le siège de l'ambassade d'Algérie au Caire n'a pas suffi pour contenir tous les supporters venus y trouver refuge. Ayant peur de provoquer des incidents, car les égyptiens ont commencé à se regrouper et la police égyptienne a carrément barricadé l'avenue du Brésil tout en renforçant le cordon sécuritaire. Cela fait trois jours que les Algériens réclament leur départ pour Khartoum, alors que d'autres veulent seulement rentrer au pays, car ils ont fui leur hôtel ainsi que leur lieu de logement par crainte pour leur vie. “Avec les départs des délégations algériennes pour le Soudan, plusieurs barrages de police assurant la sécurité dans nos hôtels ont été levés, particulièrement ceux qui se trouvent à El-Guiza (Gizeh).” (Ndlr : l'un des quartiers les plus chauds d'“El-kahira Koubra” le Caire). “Je ne sortirai pas d'ici tant que je ne trouverai pas un départ n'importe où”, panique Raouf, commerçant à Biskra. Le bras dans une écharpe nouée autour du cou ainsi que des points de suture au front, il nous fait part de sa nuit cauchemardesque au Caire. “On a été envahi par une marée humaine qui s'en est pris à notre véhicule avec une violence indescriptible et inimaginable. Une meute de sauvages a tiré une jeune fille assise devant et nous étions cinq hommes à la maintenir à l'intérieur du véhicule, comme ils n'ont pas pu l'avoir, on m'a poignardé au bras, mais malheureusement un parmi nous est tombé du bus”, témoigne-t-il. Il précise que ce jeune homme a subi des sévices sexuels avant que les égyptiens lui tatouent sur le ventre le nom de leur joueur Moutaâb avec une fine lame. Comme pièce à conviction, il nous montre l'enregistrement de la scène – un tatouage fait par des citoyens. Les témoignages se succèdent un à un avec des enregistrements vidéo comme pièce à conviction. Des images qui font froid dans le dos ! Les étudiants algériens résidant au Caire craignent pour leur vie Ils sont près de 1 500 Algériens à suivre leurs études en Egypte. Hier encore, eux aussi ont exprimé leur peur suite à l'agression. Ils étaient une dizaine au niveau de l'ambassade complètement affolés. “C'est bon, je ne veux plus rester ici, ni étudier au Caire. Je veux partir avant le match de mercredi, je n'ai pas envie de me retrouver dans un sarcophage aux pieds des pyramides. Quel que soit le résultat, on sera toujours ciblé”, déclare Amine. Visiblement, c'est la peur qui lui fait dire ces paroles exagérées. Ces copains tentent de le raisonner en lui disant qu'ils vont rentrer au pays pour une période de deux mois, mais peine perdue. Ils nous expliquent que des personnes se sont introduites chez eux – dans le quartier Roukissi situé au niveau d'El-Guiza (Gizeh) – tard dans la nuit. Ils les ont roués de coups avant de saccager leur appartement et voler toute leurs affaires personnelles. “Ça fait deux ans que je vis ici et il n'y a eu aucun litige, ce n'est que cette semaine que les jours sont devenus invivables, d'ailleurs, c'est la propriétaire qui les a introduits dans la maison où nous logeons. Ce n'est pas des personnes dignes de confiance”. Ses copains fulminent contre le gouvernement égyptien pour avoir laissé faire. “C'est l'Algérie qui compte ses blessés et pleure son mort, et c'est le gouvernement égyptien qui exige plus de sécurité pour ses concitoyens à Alger ! C'est du délire”, précisent-ils. Des voitures banalisées pour évacuer les algériens vers l'aéroport En ce lundi 16 novembre, l'ambassade d'Algérie a organisé trois vols vers le Soudan, transportant des algériens. L'ambassade a déclaré que près de 550 départs pour le Soudan seront organisés d'ici le match de barrage. Il est 17h, un autobus avec des fenêtres fumées est sorti en premier lieu, escorté par un important dispositif policier. Le reste des algériens a été évacué vers l'aéroport dans des véhicules banalisés afin de ne pas tirer l'attention ainsi que les regards des curieux. Pour le premier départ, plus de 15 voitures banalisées, transportant cinq personnes par véhicule, ont été louées par l'ambassade d'Algérie afin d'assurer un passage sécurisé vers l'aéroport. Carton rouge pour les médias égyptiens Depuis la décision du soudan d'accueillir les algériens et de leur faciliter la tâche pour l'obtention des visas, les chaînes égyptiennes ont carrément “craché leur venin” contre ce pays limitrophe. La Dream TV, comme son nom l'indique, fabule à longueur de journée en proliférant des mensonges et en appelant à la vindicte populaire “contre les algériens qui sont venus détruire des siècles de civilisation”, répète-t-elle. Une civilisation qui s'est arrêtée à l'époque des pharaons puisque leurs citoyens ne se sont pas comportés de manière civilisée, en provoquant près de 150 blessés et un mort. Les médias privés ont tenté par tous les moyens de nous faire avaler “une couleuvre” en déclarant que “ces évènements ont été provoqués par le chagrin des algériens qui ont perdu le match”. Leur chaîne montre en boucle la casse du siège de Dezzy à Alger en appelant à la vigilance. L'audace des médias égyptiens n'a pas de limite. Une équipe de leur chaîne télévisée s'est fait passer pour des journalistes algériens afin d'accéder à l'intérieur de l'ambassade d'Algérie et filmer les ressortissants. Selon des observateurs étrangers, un tel acharnement n'exprime que la peur d'être vaincus.