“L'info doit être tenue secrète le plus longtemps possible pour éviter de démoraliser les troupes et la population. Il y va de la résistance de notre lutte, celle de notre peuple, pour ceux d'entre nous qui survivront aux massacres de l'ennemi.” C'est le maître mot que se sont donné les combattants de l'ALN. Amar Azouaoui, secrétaire au PC de la Wilaya III historique, raconte dans son ouvrage Jumelles, le déluge en Kabylie, qui vient de paraître aux éditions El Amal, “le génocide, l'horreur et l'échec de la France”. L'opération s'inscrit dans le cadre du “programme d'action spécifique” que le général Challe élabora, dès sa nomination, pour anéantir la résistance de l'ALN. L'opération Jumelles a succédé à une suite d'opérations comme Les zones refuge dans l'Oranie (février 1959), Courroie (Alger avril à juin 1959), Etincelle au Hodna (juillet 1959), Pierres précieuses (Nord constantinois août 1959 - septembre 1960), avant d'entamer la mission dans les Aurès. Jumelles est destinée pour la Kabylie, point névralgique le plus dominant des terrains de combats. 580 000 hommes ont été engagés dans cette guerre “pour écraser l'ALN”, souligne M. Azouaoui qui précise que l'opération Jumelles visait la Wilaya III. “Dès les premiers jours, le général Challe et son état-major s'installaient au col de Chellata à 1 700 mètres d'altitude, dans le fin fond des monts du Djurdjura. Il le désigna sous le nom de poste de Commandement dit Artois”, ajoute l'auteur qui raconte ensuite les détails liés au parachutage de troupes, aux avions Bananes et Sikorski de transport qui “atterrissaient et décollaient sans cesse”, aux chars, camions et jeeps qui “circulaient dans tous les sens”, aux navires de guerre, au large des côtes, qui “pilonnaient les forêts de Bounamane, de l'Akfadou, jusqu'à Kherrata et Jijel, etc.”, alors que débarquaient “des troupes de la marine des dragons verts”, de Dellys vers Mizrana, d'Azzefoun vers Bounamane et de Cap Sigli vers Tichy et Kherrata, etc. Les agents de liaison, dénommés par le vocable de “Sacrifiés”, étaient les premiers visés. Ils tombaient les uns après les autres dans des embuscades. Les officiers supérieurs de l'ALN n'étaient pas en reste, puisque le capitaine Si Mohand Salah Maghni dit “si Abdellah Ibeskrien”, chef de la zone 3, le commandant Ali Benour dit “Ali Moh n'Ali”, le commandant Abderrahmane Mira, le capitaine Rabah Krim, chef de la zone 4, le capitaine Arab Oudek (zone 2), arrêté, puis exécuté, le capitaine Mohand Saïd Ouzzefoun, chef de la zone 2, etc. seront tués. “Ils étaient nombreux les martyrs pour en faire le récit. Sept mille cinq cent (7 500) chahids sur 12 000 combattants ont été enregistrés lors de cette opération, uniquement en Wilaya 3. De fait, l'auteur reconnaît que l'opération Jumelles, par sa puissance de feu et sa forme de lutte implacable, avait très sérieusement bousculé l'ALN, mais elle n'avait pas pu abattre le moral des combattants du peuple algérien.” Jumelles, le déluge en Kabylie, d'Amar Azouaoui, 310 pages, éditions El Amel, Tizi Ouzou 2009, 450 DA.