L'émotion était palpable, jeudi, au cimetière chrétien de Bologhine où était commémoré, comme chaque 11 février, l'anniversaire de l'exécution de Fernand Yveton, le 53e du genre. Comme chaque année, c'est un nombre restreint de personnes qui ont tenu à marquer la commémoration de leur présence. Elles ont tenu aussi à décrier le traitement réservé à la mémoire de ces hommes et femmes morts pour une Algérie libre et indépendante et dont le seul “crime” est d'avoir été chrétiens ou juifs. “Outre qu'ils sont considérés comme des chouhada de seconde zone, les autorités algériennes excellent pour cultiver la politique de l'amnésie”, lâche une des personnes présentes à cette commémoration. Les présents n'ont pas caché leur indignation face à la position des autorités algériennes qui consiste à toujours “ignorer et renier” cette frange de combattants dans les rangs de l'Armée de libération nationale. “Depuis quelques années, il y a de plus en plus d'anciens moudjahidine et ministres algériens qui, une fois à la retraite, osent enfin se faire des étiquettes et venir se recueillir sur la tombe du défunt”, a relevé une autre personne. Quant aux habitués des lieux, ni la pluie ni le froid ne les ont découragés à répondre présent à cette cérémonie et à affirmer, encore une fois, que le sacrifice de Yveton n'est pas tombé dans les oubliettes. Le président des ex-condamnés à mort, Mustapha Boudina, a tenu à dire un mot et rendre un vibrant hommage à ce héros et à ce qu'il représente. “Notre frère et chahid Fernand a été un parmi les 210 guillotinés par l'armée coloniale. Cette cérémonie est pareille à celles célébrées chaque année pour d'autres martyrs, morts entre les mains des colons”. “Aujourd'hui, nous nous inclinons avec émotion sur la mémoire d'un héros de la population. Iveton était une valeur de la dignité. C'était un homme qui, à l'échelle individuelle, n'avait pas besoin de sacrifier sa vie, car il avait tout pour lui. Un travail, une carrière professionnelle réussie et une vie paisible. Mais Yveton avait aussi une conscience qui lui interdisait de vivre en témoin permanent et passif de la hogra et de l'exploitation de ses frères et sœurs algériens”, a renchéri Abdelkrim Hassani, beau-frère du chahid Larbi Ben M'hidi. Mustapha Fettal, qui était également condamné à mort, n'a pas caché sa colère et son amertume. D'une voix tremblante, il s'est écrié : “C'est malheureux de ne voir aucun officiel assister à de telles commémorations. Que ce soit Yveton ou Maillot, ce sont des Algériens d'origine européenne qui ont eu le courage de mourir pour leurs frères algériens.” La cérémonie a vu la présence de la sœur d'un autre chahid, Maillot, de l'ex-Chef de gouvernement Ghozali, du Dr Chaulet ; des députés PT voulaient rencontrer des proches du chahid lesquels étaient malheureusement absents. La cérémonie a aussi vu l'absence du camarade de cellule d'Iveton, Felix Colozi, ont relevé certains participants au recueillement.