La rumeur du retour du fils Ouara bouleverse le village et les petites habitudes de ses habitants. Le fils Ouara s'est repenti, après avoir été acteur dans une décennie noire, qui a ébranlé le pays tout entier. Ce retour crée un semblant de vie, dans un village qui semble en être dépourvu. C'est l'intrigue principale du roman, une Année sans guerre (éditions Barzakh), d'Ali Malek. Le fils Ouara est devenu une obsession pour tout le monde, puisqu'il ne s'est jamais encore montré en public, par manque de courage. Car il n'ose affronter ses anciens voisins, notamment le jeune Omar, dont le père chauffeur de taxi a été assassiné durant cette même décennie. Omar subit de son côté le poids de tout le village. Il sent une charge sur lui, une responsabilité qui aurait dû être partagée par le fils Ouara. Mais il est le seul à subir, le seul à supporter, le seul à payer, sans jamais avoir rien fait de mal. Dans ces eaux troubles, évoluent des personnages d'une attristante banalité, à l'exemple de Saïd, l'ancien moudjahid insomniaque, Malika, la femme prise entre les convenances et le désir, Mahmoud qui a une drôle de notion du nationalisme, Karim, le jeune lycéen timide qui découvre l'amour dans les bras de Malika, ou encore Naïm, un enseignant en économie dans un lycée, conservateur et contre le progrès. Tous ces protagonistes ennuyeux évoluent dans le microcosme du village, et tentent de trouver un sens à leur existence, notamment le héros malgré lui de cette fiction, Omar, un employé à la mairie. Omar fait son initiation à la vie dans ce roman d'apprentissage, et apprend la vie et sa dure réalité au fil des pages. Ali Malek, qui est l'une des figures les plus discrètes de la littérature algérienne, rayonne dans ce nouveau roman, avec son écriture sèche et régulière (et parfois minimaliste), sa tendresse pour ses personnages, et décrit avec rigueur et minutie la société. L'auteur installe également de la distance entre lui-même, son narrateur et l'action. Il prend du recul pour décrire avec justesse les tourments des hommes, ainsi que leurs faiblesses. Ali Malek décortique les passions et transforme en héros des personnages insipides et fades. Pourtant, à aucun moment on ne s'ennuie, tant l'écrivain maîtrise la machine narrative. Auteur de trois romans, d'un récit et d'un recueil de nouvelles, Ali Malek prend de l'aisance et de l'assurance à chaque nouvelle publication. Dans une Année sans guerre, son talent se confirme et ses quêtes obsessionnelles se poursuivent. Ce roman est une analyse assez juste des passions humaines, un regard lucide et critique envers une société en éternel mutation, et une introspection de l'âme humaine Une Année sans guerre, d'Ali Malek, roman, 173 pages, éditions Barzakh, Algérie, janvier 2010, 450 DA