“Le moment est venu de faire le bilan du dossier amazigh sous tous ses aspects”, c'est ce qu'a déclaré Youcef Merahi, secrétaire général du Haut-Commissariat à l'amazighité (HCA) dans une allocution d'ouverture prononcée lors de la journée d'étude intitulée “Le travail institutionnel pour la réhabilitation et la promotion de l'amazighité” organisée hier au centre de presse d'El Moudjahid en guise de célébration du 30e anniversaire du mouvement berbère. Pour lui, les demandes portées par le mouvement d'Avril 80 sont “humanistes, généreuses, nationales et éminemment démocratiques”. C'est pourquoi l'institution qu'il préside fait sien ce symbole. Certes il reconnaît que tamazight et son enseignement sont devenus aujourd'hui une réalité en Algérie, mais il refuse toutefois de succomber à l'autosatisfaction. “Il reste beaucoup de chemin à faire”, clame-t-il, non sans faire dans l'autocritique en soutenant que “depuis 95 à ce jour, on aurait pu faire mieux”. Et d'expliciter sa pensée : “Il y a quelque part, une résistance à l'aboutissement définitif du dossier.” Pour M. Merahi, il est grand temps de passer à un palier supérieur : la production. Dans sa prise de parole pour présenter le programme de la journée, Hachemi Assad, directeur de la promotion culturelle au HCA, a évoqué plusieurs cadres visant à asseoir la place de tamazight dans l'édifice institutionnel du pays. S'il considère que le statut politicojuridique, tamazight a changé, il estime qu'il y a lieu de le consolider non sans appeler à la création d'une académie pour tamazight. Une demande que fait sienne Malika Ahmed Zayed-Chertouk, professeur à l'université de Tizi Ouzou, qui, dans une communication très académique sur “la revendication amazighe : un processus historiquement ancré dans les questions majeures de son temps”, s'est longuement attardée sur les déterminants de la langue et culture amazighes ainsi que sur la stratégie des acteurs du mouvement culturel et les missions qu'ils s'étaient assignés. “La langue n'est pas seulement un instrument de communication mais aussi un véhicule de différents capitaux (social, symbolique, humain, etc.)”, explique-t-elle. “La revendication amazighe sera cette constellation d'étoiles qui éclairera l'Algérie et l'Afrique du Nord qui y tireront de nombreuses idées innovantes”, conclut-elle. Quant à l'universitaire Graine Arezki, il a appelé à la séparation du culturel du politique. “Avec le nouveau statut acquis par tamazight, il faut laisser la question aux spécialistes”, explique-t-il. Un avis que ne semble pas partager Mustapha Ben Khemou qui estime, lui, que tamazight n'a pas encore le statut qu'il mérite non sans critiquer la manière avec laquelle il est introduit dans la Constitution. “Le statut accordé à tamazight ne doit pas être défini dans un article bis mais accolé à celui de la langue arabe dans un même article”, explique-t-il. L'introduction de tamazight dans la Constitution s'est faite d'une manière honteuse. En plus, il estime que l'enseignement de tamazight doit être obligatoire sur tout le territoire national. Et d'appeler les Berbères à en finir avec cette tare séculaire qu'est la haine de soi, mais aussi à recentrer leur géostratégie sur l'Afrique du Nord qui a tous les attributs d'un grand ensemble régional. Intervenant en dernier, Tarik Mira s'est attardé lui sur la question de la production discursive du mouvement associatif. “Les animateurs du mouvement ont un discours d'affirmation identitaire ayant partie liée avec la construction démocratique du pays”, relève-t-il. Il estime que l'amazighité est le parent pauvre du triptyque identitaire du pays. C'est pourquoi ces derniers temps, le discours des animateurs est axé essentiellement sur l'officialisation de tamazight car, explique-t-il, “une langue n'est respectée que si elle est protégée par un statut de langue officielle”.