L'Union nationale des opérateurs de la pharmacie (Unop) a organisé, hier à l'hôtel El-Aurassi, un séminaire international sur les droits des brevets et ses implications sur le développement de l'industrie pharmaceutique en Algérie, animé par d'éminents spécialistes algériens et étrangers, en présence du ministre de la Santé M. Djamel Ould-Abbès. L'objectif du séminaire était d'abord de donner, à l'intention de l'ensemble des acteurs économiques, entreprises et administrations publiques, un aperçu sur les différentes facettes du droit des brevets, un droit qui a connu une évolution majeure depuis 2003, avec l'avènement d'une législation nationale nouvelle largement inspirée des accords internationaux, notamment les accords sur les Aspects des droits de la propriété liés au commerce (Adpic) de l'Organisation mondiale du commerce. Cette législation, qui accorde, entre autres, une protection de vingt années aux brevets d'invention, “crée une situation juridique tout à fait nouvelle, dont les enjeux sont d'une importance extrême pour le développement futur de l'industrie nationale de manière générale et, singulièrement, de la jeune industrie pharmaceutique algérienne”. Pourtant, il est apparu que de nombreux opérateurs économiques, ainsi que certains de leurs interlocuteurs au niveau de l'administration, “n'ont pas une connaissance et une compréhension suffisante de la signification du brevet et des conséquences précises que sa protection légale induit dans leur domaine d'activité”. Il leur est, dès lors, difficile d'avoir une claire perception de son impact sur l'accès aux médicaments, sur leur coût et sur le commerce international qui les concerne. L'Algérie, comme tous les pays en développement, ne produit pas de brevets, mais est en situation de “consommer” des inventions réalisées à l'étranger. En 2010, jusqu'au mois d'avril, l'Inapi a enregistré 181 dépôts de demandes de brevets, dont 98 concernent les médicaments. Or, la protection conférée par la loi au brevet pharmaceutique est une forme de monopole donné à son titulaire, qui peut ainsi exploiter à sa guise le marché national. C'est pourquoi tous les pays émergents ont pris des mesures légales et pratiques pour préserver les intérêts de leur industrie pharmaceutique, pour la protection de leur politique de santé publique. De ce point de vue, le président de l'Unop, M. Ammar Ziad, a relevé “un certain nombre d'insuffisances de la politique pharmaceutique nationale, en liaison directe avec la question des brevets pharmaceutiques”. L'insuffisance principale, a indiqué M. Ammar Ziad, “est certainement celle liée au faible intérêt manifesté par les pouvoirs publics quant aux conditions pratiques d'application de la nouvelle législation sur les brevets et aux effets qu'elle a commencé à produire sur le terrain”. Le président de l'Unop affirme que même si la législation algérienne prévoit, expressément, que les droits découlant d'un brevet ne s'étendent pas aux actes concernant le produit couvert par le brevet, après qu'il eut été licitement mis dans le commerce, de nombreuses pressions sont exercées pour bloquer la procédure d'enregistrement du médicament concerné ou pour empêcher sa commercialisation. Par ailleurs, la législation algérienne sur les brevets – de même que les accords Adpic – prévoit la possibilité pour les Etats d'octroyer sous certaines conditions des licences obligatoires quand elles estiment qu'un médicament protégé ne fait pas l'objet d'une exploitation suffisante. Cette faculté est destinée à se prémunir contre certaines formes d'usage abusif de la protection conférée par un brevet. “Jusque-là, c'est une possibilité dont les autorités algériennes n'ont pas encore examiné la faisabilité dans la pratique”, souligne M. Ammar Ziad, estimant que notre pays, comme le Brésil, l'Inde ou l'Egypte, considère l'absence de production locale comme un défaut d'exploitation de brevets. “C'est le moyen idoine pour pousser les entreprises pharmaceutiques détentrices de brevets à fabriquer directement sur le marché algérien, sinon à céder leurs licences à des fabricants nationaux déjà installés”, a-t-il argumenté. Le président de l'Uniop évoque aussi les procédures de vérification des conditions de brevetabilité prévues dans la loi algérienne. Celle-ci a posé des conditions précises de brevetabilité d'une invention, à savoir la nouveauté, l'inventivité et l'application industrielle. “Néanmoins, on peut constater que, dans la pratique, le contrôle et la vérification de ces paramètres ne sont pas réellement affectés dans notre pays”, a affirmé M. Ammar Ziad.