Faut-il interdire la participation des maisons d'éditions égyptiennes au Salon international du livre d'Alger 2010 ? Tout a commencé avec le fameux match de foot entre les deux équipes nationales d'Algérie et d'Egypte au Soudan. Certes, la qualification de l'Algérie au Mondial en Afrique du Sud a suscité des insultes, des aboiements de la part de quelques artistes, journalistes et écrivains, à l'encontre de notre pays et de notre histoire. Certes, notre peuple a été choqué, voire blessé de voir ou d'entendre, sur les chaînes de télévision ou sur les autres moyens de communication, ces charlatans de la culture et de l'art tirer sur nos symboles et nos martyrs. Mais certes aussi que beaucoup d'écrivains et journalistes égyptiens, ceux de la raison et de la modernité, étaient contre cette haine médiatique instrumentalisée par le pouvoir en place. Je cite parmi ceux qui ont honoré la culture de la raison au pays des Pharaons : Djamel al-Ghitany, Hamdi Kandil, Med Hassanine Haykel, Houidi, Izet al-Kamhaoui, Ahmed Achahaoui, Miral Attahaoui et d'autres… Ces écrivains et autres, qui ont dénoncé la culture de la haine et de la médiocrité, ne méritent pas d'être censurés dans notre pays. Et notre lecteur a le droit de lire ces écrivains respectés. Je suis sûr et certain que ces “écrivains” qui ont insulté notre pays, même si les éditeurs égyptiens sont interdits au Sila, leurs livres seront disponibles sur les rayons des autres éditeurs, libanais ou syriens, marocains ou français. Je peux citer le romancier Youcef Zidane édité par les Libanais. D'autres sont publiés, ici chez nous, par nos maisons d'éditions, à l'image de l'écrivain gâté “Alaâ al-Aswani”, celui qui n'a pas cessé depuis le match d'insulter notre culture et notre histoire. Ce romancier dentiste sera au salon aussi par le train des éditeurs français, dans sa traduction dans cette langue. Aujourd'hui, c'est naïf et même stupide de dire : je suis capable d'interdire la culture. C'est honteux de dire je suis en mesure d'interdire la circulation des livres. Les frontières ont changé. La géographie culturelle a changé. Le sens de la culture a changé. Pour faire face aux écrivains égyptiens, ceux qui ont insulté l'Algérie, il fallait installer une commission composée d'intellectuels chargée de mettre en place la liste de ceux qui ont osé insulter notre pays. Ainsi les faire punir par la condamnation de leurs livres publiés chez des maisons égyptiennes ou libanaises, syriennes ou marocaines, françaises ou autres. Il ne faut pas criminaliser tous les écrivains égyptiens, ni tous les éditeurs égyptiens. L'Algérie a ses amis dans les éditeurs comme dans la tribu des écrivains et journalistes. Si le foot a été à l'origine de cette rupture culturelle douloureuse, les footballeurs des deux pays continuent de jouer le foot entre eux. Sans populisme ni provocation politicarde. Pour rappel, l'équipe de la JSK a reçu, avec les bouquets de fleurs, l'équipe Al-Ahly de l'Egypte. Le président Abdelaziz Bouteflika a reçu son homologue égyptien Hosni Moubarak. Et la vie se normalise dans le foot comme dans la politique, comme dans l'économie. Le groupe Djezzy de la téléphonie mobile a repris son activité. Le Sila se tiendra dans l'esplanade du stade 5-Juillet, c'est peut-être à cause de cela qu'il est contaminé par le foot. Et le livre a pris la place du ballon rond. Et les lecteurs du roman de la poésie ne sont que des spectateurs échauffés d'un match miné. Certes, le match de foot Algérie-Egypte nous a appris une grande leçon : la nécessité de revoir la nature de notre relation avec nos “frères” arabes. Mais cette révision ne signifie en aucun cas la rupture haineuse ou l'enfermement autosuffisant. Nous sommes un grand peuple, issu d'une grande révolution, avec une culture multiple, ces petits charlatans de la culture ne nous font jamais peur. Ils n'arriveront jamais à couper l'Algérie culturelle de ses amis, dans l'Est comme dans l'Ouest, dans le Nord comme dans le Sud. Donc, faut-il interdire la participation des maisons d'éditions égyptiennes au Sila ? Je pense, et c'est un avis personnel, que la décision de l'interdiction est un acte précipité et non réfléchi. Dans une telle décision, il y a beaucoup de populisme politico-politicien qui handicape la culture libre et la liberté de la culture. Le livre est la “chose” la plus noble. Et le lecteur est un roi libre, un roi à servir, en permanence, et en toute fierté et grandeur, par l'Etat et ses institutions. Par le populisme politico-politicien, on tue le rêve chez un peuple et on installe “la culture du désespoir”, de la démission et du suicide. A. Z. [email protected]