Le port d'Annaba, prétendu quatrième d'Algérie, reste peu développé et n'a, par conséquent, pas bénéficié des principaux investissements réalisés dans le transport maritime en Algérie, contrairement à ceux d'Oran, d'Alger, de Djendjen et de Béjaïa, selon le réseau Anima. Conséquence directe de sa gestion, jugée trop bureaucratique par les opérateurs économiques de l'est du pays, notamment, le trafic au port d'Annaba a reculé cette année à l'avantage des ports de Skikda et de Béjaïa, au niveau régional, et d celui d'Alger, au niveau national. Déjà pointées du doigt par la majeure partie des entreprises publiques et privées de la région suite aux difficultés de plus en plus nombreuses, que ces dernières rencontrent depuis deux années, semble-t-il, dans le cadre de leurs activités commerciales, les autorités portuaires de cette wilaya ont été récemment prises à partie par le premier responsable du secteur, lors d'une visite de travail et d'inspection, qu'il a effectuée à Annaba. Particulièrement courroucé, M. Amar Tou a fait part à la direction de l'entreprise portuaire de son mécontentement, du fait de la dépréciation de l'activité de cette infrastructure, dont l'animation rayonnait il n'y a pas si longtemps sur l'ensemble de l'extrême nord-est et une partie de la région sud du pays. Le ministre a insisté sur la nécessaire de la mise à niveau aux normes de gestion internationale auxquelles est appelé à répondre ce port à l'avenir. Il a relevé que cette infrastructure portuaire est en chute libre et de nombreux importateurs ont décidé d'opter pour les ports de Skikda, de Béjaïa, d'Alger, voire celui d'Oran, et ce en raison des lourdeurs dans les traitements des dossiers à tous les niveaux. Un boycott qui ne dit pas son nom et qui risque, à court terme, d'avoir des répercussions dramatiques sur la vie socioéconomique de la wilaya d'Annaba. Rares sont, en effet, les minéraliers et les céréaliers, en particulier, qui mouillent encore dans la rade de la ville industrielle. Pour beaucoup d'économistes, à cette cadence, le port d'Annaba sera quasi certainement voué à servir de “cimetière” pour les épaves de toutes sortes. Au moment où l'Etat essaie d'optimiser les dépenses en devises par la mise en place de supports de gestion rationnelle au port d'Annaba, devenu prototype de l'anarchie et de la mauvaise gestion, selon de nombreux opérateurs, c'est l'inverse. Manque de personnel, manque d'énormes moyens de manutention adéquats, état lamentable des équipements existants (plus de 50% en panne) et l'absence de stratégie d'investissement. À cela s'ajoute la cadence de déchargement médiocre qui est de l'ordre de 160 t/j, alors que les normes internationales varient entre 800 et 1 000 tm//j, surtout pour les produits métallurgiques comme le rond à béton. L'inertie relative enregistrée pénalise à plus d'un titre les opérateurs économiques qui optent pour cette infrastructure portuaire. “Nous sommes obligés de payer des surestaries pour le compte des armateurs, en raison des retards de déchargements. Ces surestaries vont de 3 000 jusqu'au 40 000 euros/j pour les grands navires”, confie l'un d'entre ceux-ci. Toujours selon lui, l'Algérie serait l'un des rares pays, si ce n'est le seul, où les opérateurs économiques locaux déboursent plus de 8 millions d'euros de surestaries chaque année. Annaba détient désormais le triste record dans ce domaine en raison de plusieurs paramètres de gestion essentiellement, et ces millions d'euros de taxes somme toute évitables vont remplir les poches des armateurs étrangers. Ces derniers auraient même pris l'initiative, selon des hommes d'affaires nationaux, de majorer le fret pour les cargaisons à destination de l'Algérie et surtout pour le port d'Annaba, réputé non grata désormais à l'échelle mondiale pour les difficultés auxquels sont confrontés les navires et les opérateurs économiques qui y accostent. Certains fournisseurs refuseraient carrément d'assurer le transport de marchandises en direction du port d'Annaba, s'ils n'exigeraient pas, révèle-t-on, un tarif double pour leurs prestations. À titre d'exemple, dit un opérateur économique basé à Annaba, le cas du fret à partir du port de Barcelone qui est de l'ordre de 35 dollars/tonnes métriques, à destination du port d'Annaba, par contre il est seulement de l'ordre de 25 tm pour le port de Bizerte, en Tunisie, c'est-à-dire en empruntant un trajet plus long de plusieurs miles marins, à cause des retard de déchargements. Selon le site électronique “trans-logistique”, la mauvaise gestion et le retard dans les ports algériens génèrent des surcoûts considérables, qui se répercutent sur le Trésor public et les consommateurs. Cette source révèle, qu'en 2009, l'Algérie avait payé à ses partenaires étrangers plus de 700 millions de dollars, sous forme de remboursements des coûts supplémentaires sur les bateaux qui restent en rade, pendant plusieurs jours au niveau des ports algériens. Approché au niveau du port d'Annaba, Sayfulah Yazgan, capitaine d'un navire battant pavillon turc, le Mu Kaliliana, n'y est pas allé avec le dos de la cuillère en direction des responsables en charge de la gestion du mouvement des navires et transport. “C'est inconcevable. Pour une affaire d'une semaine, je suis déjà au dixième jour de retard inexpliqué. Le retard d'une dizaine de jours enregistré au niveau du port à totalement chamboulé mon planning. Autrement dit, cela m'a fait perdre d'autres missions consistant en le transport d'autres cargaisons, et c'est surtout la crédibilité du navire qui est en jeu. En effet, dès qu'on accède au port d'Annaba, en rade ou à quai, le bateau doit attendre la fin des formalités pour être autorisé à décharger sa marchandise directement dans les camions. Pour une mission de deux jours, nous sommes obligés de passer au moins une dizaine de jours, car, pour les seuls résultats des analyses, il faut attendre une semaine. Une fois autorisés à décharger, le problème de manque du personnel manutentionnaire se pose avec acuité. Mon bateau qui est doté de quatre grues s'est vu contraint dernièrement de ne tourner qu'avec une seule, car on m'a affecté une seule équipe composée de jeunes manutentionnaires non expérimentés”, se plaint notre interlocuteur. Evoquant les commodités offertes au niveau des autres ports algériens, il se félicitera de l'organisation mise en place à Oran, par exemple, où tout est fait afin de faciliter la tâche aux armateurs et surtout éviter les retards. “Dans ce port, ça marche comme sur des roulettes. Un quai est mis à la disposition des armateurs pour le déchargement des produits. À Annaba, par contre, un pont-bascule coûte plus cher que son prix, et ce en raison de la décision prise par la douane de peser systématiquement les cargaisons homogènes en faisant passer toutes les marchandises sur l'unique pont-bascule opérationnel dont dispose l'entreprise portuaire d'Annaba.” Une décision qualifiée par les opérateurs économiques “d'injustifiée” et surtout “contraire aux normes internationales”, car, expliquent-ils, au niveau de tous les ports du monde, on détermine le poids des cargaisons homogènes à l'aide d'un draft qu'établit un expert agréé en combinant les constantes des navires et la graduation du front bord. Résultat de cette décision, des chaînes interminables de camions chargés de différents produits devant le pont-bascule, ce qui a entraîné un impact direct sur la rotation et engendré ainsi une diminution de la cadence de déchargement. Une situation qui n'arrange personne, sinon l'entreprise portuaire qui allait bénéficier des taxes des navires à quais ou en rade. Par contre, des opérateurs économiques sont dans l'obligation de payer les surestaries, dont une journée de retard pour un céréalier par exemple peut atteindre 40 000 dollars, soit deux fois le prix d'un pont-bascule… Devant cette situation critique, les opérateurs économiques sont allés même jusqu'à proposer à l'entreprise portuaire qu'elle mette à leur disposition des quais abandonnés afin qu'ils les équipent et les rendent rentables dans l'intérêt de tout le monde ; malheureusement cette initiative a été rejetée. Une étude sur les Investissements prioritaires pour le développement de la logistique en Méditerranée, publiée par le réseau Anima, indique que les ports les mieux desservis d'Algérie sont Alger et Oran, avec respectivement 7 et 8 services hebdomadaires réguliers, suivis par ceux de Béjaïa et de Skikda (4 services hebdomadaires). Toujours selon l'étude d'Anima, le port d'Annaba, prétendu quatrième d'Algérie, reste peu développé et n'a, par conséquent, pas bénéficié des principaux investissements réalisés dans le transport maritime en Algérie, contrairement à ceux d'Oran, d'Alger, de Djendjen et de Béjaïa.