À l'initiative du Centre national de recherche en anthropologie sociale et culturelle (Crasc) s'est ouvert, hier à Oran, un colloque international autour du thème “Du milieu familial, au milieu professionnel : situations de harcèlement”, et ce, pendant deux jours. La journée d'hier, qui a été consacré aux “approches conceptuelles de la violence” et le “harcèlement moral au travail”, a permis d'aborder les mécanismes par lesquels se construisent et s'exercent les violences et les harcèlements avec le même objectif “la destructivité du sujet dont les effets sont la déliaison sociale”, tel que rapporté par Mme Lhuilier Dominique, de la chaire psychologique du travail (Cnam) en France. Pour prendre la mesure de l'importance de cette thématique et ses répercussions sur les rapports sociaux, il n'y a qu'à remarquer que sur 14 projets de recherches menés par la section Famille, éducation, santé mentale, du Crasc, 8 sont consacrés aux harcèlements dans ses différentes formes, à la violence à l'école et au travail. Les interrogations philosophiques, religieuses et sociales de Mme Mouatessem de l'université d' Es-Sénia autour des origines de la violence a laissé la porte ouverte au débat. Mais, l'approche anthropologique de Mlle Ariane Bilhéran de l'université de Marseille, qui dans sa communication sur “les fondements anthropo-sociologiques du harcèlement”, définira le harcèlement qui vise à la “destruction progressive d'un individu par un autre groupe” et d'expliquer que l'on parle de harcèlement lorsqu'il est fait dans la durée, la répétition et avec la recherche de la terreur et de la soumission. Pour l'intervenante, le harcèlement est une survivance de mécanisme archaïque de groupe, lorsque ce groupe cherche justement à se structurer d'où “les boucs émissaires” qui sont souvent ceux qui restent en marge du groupe, la femme dans notre société traditionnelle en Algérie ou encore plus récemment les Roms en France. Cette marginalisation étant à rapprocher de leur “fragilité économique”. L'oratrice, au terme de son exposé, expliquera que “le harcèlement est un instrument d'un pouvoir qui se sent illégitime ou encore qu'il est un processus totalitaire”. Pour l'autre intervenante, Dominique Lhuilier qui présentera une communication sur “le harcèlement moral : étiologie et prévention”, le harcèlement au travail est très ancien : “la violence et le harcèlement visent ceux qui sont en situation de dépendance”. Les mécanismes et les effets sont les mêmes : la destruction de la personne, sa dévalorisation, le sentiment d'impuissance et d'humiliation. Mais pour cette dernière, l'augmentation des différentes formes de violence au travail se rapproche des nouvelles formes d'organisation du travail. “La mondialisation, la flexibilité du travail, la précarité de l'emploi, l'exigence de productivité poussent à cette violence… La personne harcelée est une personne qui a le sens du travail bien fait”. Or aujourd'hui dans le monde du travail, les nouvelles exigences de productivité, de rentabilité ne laissent plus de temps à ceux-ci. Une enquête réalisée dans le secteur de la santé à Oran et présenté par Hachelafi Hamid a montré que sur un échantillon de 1 058 sujets une prévalence de 16,7% victimes de harcèlement, ce qui est sensiblement la même que dans les autres pays dans le monde. Plus précisément, l'étude montre encore que le harcèlement moral touche 82% des victimes qui sont des femmes mariées avec enfants dont 8% de femmes monoparentales. Le 1/10e des victimes n'est pas syndiqué et que le “harceleur”, dans 52% des cas, est le supérieur hiérarchique. Ce dernier estime qu'aujourd'hui, il est urgent de mettre en place des structures de prise en charge et d'accueil des victimes du harcèlement moral au travail, étant entendu que cela conduit souvent au suicide.