Evoquer un homme à la parole sincère et loyale, en l'occurrence le défunt Aïssa Messaoudi, c'est, à l'évidence, restaurer un pan important de la mémoire collective. La parole juste et mesurée de ce chevalier déjouait, à chaque fois, les propagandes tendancieuses du colonialisme. En lui rendant un hommage appuyé, à l'occasion du 48e anniversaire du lancement de la radio et de la télévisions nationales, je ne fais que perpétuer une tradition qui a le mérite singulier de réconcilier le peuple algérien avec son histoire. Avec celle d'une épopée qui eut l'insigne honneur, surtout après le Congrès de la Soummam, de réunir autour des idéaux du 1er Novembre 1954 toutes les conditions en mesure de porter et d'amplifier une cause juste. Je me devais et je me dois de revenir sur une période faste du mouvement national, un mouvement qui, sous la direction du FLN, sut, très tôt, accorder une place idoine aux moyens audiovisuels et de communication pour déjouer les manœuvres des services psychologiques français et faire en sorte que la Révolution nationale soit menée sur tous les fronts. À commencer par celui de la culture, grâce à des créations des services du cinéma et de la troupe artistique du FLN qui impulsèrent alors une dynamique salvatrice aux luttes et aux aspirations de tout un peuple. Pur produit de cette dynamique, Aïssa Messaoudi fut autant le symbole de cette Algérie en armes que de cette volonté irréfragable de faire reculer la fatalité et de doter son pays, dès la libération, d'un puissant média résolument engagé dans la tâche sacrée de reconstruction plurielle d'une société déstructurée, atrocement mutilée. Sa longue marche sera sensiblement jalonnée de situations inextricables mais aussi de moments exaltants qui renforceront sa détermination et sa volonté d'en découdre avec la face hideuse d'une caste coloniale affairée plus que jamais à plonger tout un peuple dans une incroyable négation. Répondant à l'adversité par une volonté inextinguible de faire de la quête du savoir et des connaissances sa préoccupation cardinale, il quittera le pays très tôt pour se rendre en Tunisie où il sera porté, en 1956, à la tête de l'Union des étudiants algériens. Doté d'une voix sublime, il rejoignit Sawt al Djazaïr (la voix de l'Algérie) à Radio Tunis, où il exerça les fonctions de commentateur et de journaliste jusqu'en 1959. Dès le 12 juillet 1959 au Maroc, il sera chargé des transmissions par l'ALN avant de renouer avec son métier à la station radiophonique de Nador où étaient diffusées des émissions sur ondes courtes par la radio de l'Algérie libre combattante. Il y animera les programmes en langue nationale alors que le professeur Abdelmadjid Meziane avait la charge de l'édition française et Belaïd Abdeslam des émissions en amazigh. En octobre 1961, il revint à Tunis pour diriger Sawt al Djazaïr où son activité avait un impact extraordinaire sur le moral des troupes de l'ALN et du peuple algérien. Cette dimension de la lutte par les ondes a fait dire à Frantz Fanon que cette façon de procéder faite de mots, de propos rapportés avec sincérité, constituait une arme plus forte encore que l'arsenal militaire mis en branle par la caste coloniale. Le 28 octobre 1962, il est désigné par Ahmed Ben Bella et Mohamed Khider en qualité de directeur général de la Radiodiffusion-Télévision algérienne (RTA) avant d'occuper des fonctions à la Société nationale des éditions et de diffusion (Sned) et au quotidien national Ech-Chaâb. Irrigué par l'idéal révolutionnaire, il se porte volontaire pour aller sur les lignes du front pour encourager et galvaniser des combattants arabes parmi lesquels se trouvaient des soldats algériens. Dès son retour, il connaîtra les affres de la traversée du désert, un chemin semé d'embûches et de négation que d'aucuns imposent insidieusement aux électrons libres. Après une courte carrière diplomatique, l'enfant de la cité Mahieddine d'Oran décéda en 1994 à la suite d'une longue maladie accentuée par les dissonances alors à l'honneur dans une société qui méritait pourtant mieux… A. M. [email protected]