El-Kantara est un site national classé, dont les atouts touristiques ne se comptent pas, mais il n'est plus possible de chanter le passé, aussi glorieux soit-il, car le présent ne prédit rien de bon. Une oasis située à égale distance entre Batna et Biskra, qu'on appelle la Porte du Sud, mais elle est aussi la Perle du Nord. Une petite ville de 12 000 habitants qui se trouve sur l'un des axes les plus connus du pays à savoir, la RN3. Centre municipal dès 1946 et commune à partir de 1957, mais la cité est beaucoup plus ancienne que cela. Des études ont démontré que les habitants d'El-Kantara sont d'origine berbère car de nombreuses appellations qui s'y trouvent le confirment telle “Oued Aghroum” qui veut dire l'oued et la galette en chaoui. Elle en a séduit plus d'un par son contraste, où le pin côtoie le palmier, qui relève du défi écologique. Le célèbre André Gide, prix Nobel de littérature 1947, a aussi été émerveillé par cette magnifique oasis. En 1897, il écrivit : “À El-Kantara où je m'attarderai deux jours, le printemps naissait sous les parmes, les abricotiers étaient fleurs bourdonnant d'abeilles…” Mais qu'en est-il aujourd'hui, que reste-t-il de cette porte entre le Nord et le Sud ; de ce capital de séduction, du potentiel touristique ? Au cours d'une rencontre inopinée avec le président de l'Assemblé populaire communale, Bendaïkha Madani, et en présence d'un bon nombre de ses proches collaborateurs, qui dans l'ensemble portent un jugement assez critique, sur leur ville et son développement, c'est le chef de l'APC, protocole exige, qui ouvre le débat et nous dit à ce sujet : “El-Kantara est certes calme, mais peut-être trop calme. En plus de la RN3, il y a aussi la voie ferrée qui traverse notre ville, mais ça n'a pas apporté la dynamique souhaitée, pour une si petite ville. Oui, il y a un potentiel touristique naturel et El-Kantara est mondialement connue, mais l'infrastructure fait défaut et constitue un frein réel. L'un de nos soucis majeurs, ce sont les pannes électriques fréquentes et répétées. Il est inacceptable qu'un seul transformateur existe pour alimenter une cité qui dépasse les 10 000 habitants. Après plusieurs plaintes au niveau de Sonelgaz, ce n'est que dernièrement que les travaux ont démarré pour l'installation d'un nouveau transformateur”. Le phénomène du retour à la terre, constaté à travers le grand Aurès, n'épargne pas fort heureusement la ville d'El-Kantara. La verdure ne cesse de grignoter sur la roche, mais là aussi il y a un souci majeur, la pollution. L'unique cours d'eau qui traverse la ville et qui était jadis propre et limpide, a pris des couleurs étranges et inquiétantes. Les stations de lavage et graissage, en sont pour quelque chose, mais il faut remonter jusqu'à Aïn Touta pour mesurer les vrais dégâts. Présent lors de notre rencontre, le subdivisionnaire de la direction de l'hydraulique apporte quelques éclaircissement : “Une lagune d'un débit de 45 litres/seconde va être mise en service, et pour ne plus rester dépendant de l'eau de l'oued, un forage est déjà en service. Il irrigue une bonne partie de la palmeraie côté ouest, mais il faut reconnaître que c'est insuffisant. Deux forages destinés à l'irrigation, d'une capacité de 25 litres/seconde, se trouvent au nord de la ville, mais là aussi, les forages ne sont pas encore mis en service, en dépit de la fin des travaux. Leur mise en service redynamisera à coup sûr le secteur agricole.” Par ailleurs, le secteur porteur et prometteur à savoir le tourisme, n'est pas au mieux de sa forme. El-Kantara ne possède pas un seul hôtel digne de ce nom, et celui qui hébergeait, jadis, les célébrités, va être restauré ou reconstruit. Les présents n'arrivent pas à se mettre d'accord sur l'appellation. Présent à la rencontre, M. Houfani, vice-président de l'Office du tourisme coupera, finalement, la poire en deux : “Peu importe l'appellation, l'essentiel c'est de pouvoir recevoir et comme jadis des touristes. C'est l'avenir qui compte et dans ce sens nous avons un projet sous le générique Radato (Ressource associatif développement tourisme oasis) en partenariat avec l'Union européenne. Ce projet existe depuis 1999, il consiste en la création d'un réseau de tourisme, qui regroupe plus de 15 associations. Cela ne tient qu'à nous, nous devons le redynamiser et le prendre en charge.” À l'ancienne ville (village rouge) qui est normalement protégé, le béton pointe le nez. D'anciennes constructions tout en beauté cèdent la place à des bâtisses en parpaing sans âme et sans couleurs. El-Kantara est un site national classé, dont les atouts touristiques ne se comptent pas, mais il n'est plus possible de chanter le passé aussi glorieux soit-il, car le présent ne prédit rien de bon, et le tourisme n'est certainement pas une affaire de bureau et de paperasse.