La problématique du colloque international sur “Le nom propre maghrébin de l'homme, de l'habitat, du relief et de l'eau”, organisé par le Haut-Commissariat à l'amazighité (HCA), en collaboration avec le Centre national de recherche en anthropologie sociale et culturelle (Crasc), amène des questionnements identitaires, mais également sur la représentation sociale et culturelle que l'on peut avoir en tant qu'individu et citoyen par rapport à un lieu, un Etat ou une région à l'échelle continentale. C'est ce qui ressort des travaux de ce colloque, qui ont débuté ce dimanche matin et qui devaient se poursuivre hier, avec la participation de nombreux chercheurs algériens et maghrébins. Dans son introduction au colloque, le chercheur Farid Benramdane, de l'université de Mostaganem, a indiqué que ce débat du jour “n'est pas un luxe dans un pays à tradition orale” et que si le nom propre relève de l'identité, l'entité “Maghreb” relève de la civilisation, ce qui est encore différent des entités politiques que sont les pays. Dès lors, le fait de revisiter le passé et évoquer les facteurs historiques, et culturels ayant remodelé l'usage des noms propres, et des prénoms, s'avère important pour les chercheurs qui s'interrogent également si les mêmes préoccupations se retrouvent dans les entités du Nord. D'ailleurs, sur cette question sous-jacente de l'identité et de l'histoire, le secrétaire général du HCA, Youcef Merahi, ne manquera pas d'évoquer justement le passé colonial et comment par l'établissement d'un état civil, l'envahisseur a touché à l'entité de la personne et dépersonnalisé des régions : “L'Algérie est une terre d'invasion, chaque envahisseur a ramené avec lui sa façon de voir, sa culture en nommant des lieux, des rivières, des montagnes jusqu'aux noms et prénoms pour mettre fin au tribalisme.” Et de poursuivre : “Le nom propre est un élément de l'identité de la famille par rapport à un lieu, une région.” La liaison dans l'Algérie d'aujourd'hui a été à ce stade facile, lorsque Merahi évoquera alors la problématique des prénoms et les blocages que cela a occasionné à nombre de familles algériennes qui se sont vues refuser le choix d'un prénom pour leurs enfants : “La pré-nomination est régie par un décret de 1983 où il est dit que les Algériens doivent avoir un prénom de consonance algérienne, mais quel contenu doit-on mettre dans cette algériannité ?” Pour rappel, le cas d'une famille à Oran qui a dû mener une bataille juridique de 5 ans pour faire admettre à l'état civil le prénom de Kahina. Pour notre interlocuteur, en 1983, il y avait bien en la matière une “négation identitaire” avec, qui plus est, “des résistances locales”. “Le seul fondement juridique qui existe dans les guichets de l'état civil, c'est la liste des prénoms algériens. Pourtant, elle est devenue obsolète et n'a jamais été révisée.” Pour le secrétaire général du HCA, aujourd'hui, les choses ont évolué et être Algérien cela signifie la reconnaissance de l'islamité, l'amazighité et l'arabité de la population et de souhaiter fortement un nouveau recensement national des prénoms, notamment ceux en tamazight et d'aller plus loin dans sa démarche concernant aussi les baptisations qui doivent être une référence à la mémoire collective. Une commission nationale doit être mise en place pour réfléchir sur les changements à introduire pour la pré-nomination et les dénominations. Aujourd'hui, les travaux du colloque doivent se poursuivre autour de travaux de recherche portant sur la “toponymie urbaine, onomastique et politique”. En marge de ce colloque, le président du HCA a abordé la problématique de l'enseignement de tamazight dans l'éducation nationale et de rappeler qu'il ne cesse de régresser. En effet, aujourd'hui, il ne resterait plus que neuf wilayas, à l'échelle nationale, où tamazight est dispensée dans les établissements scolaires, une situation qui ne laisse pas indifférent notre interlocuteur. “Il y a vraiment un danger ! Au départ, il y avait seize wilayas qui étaient concernées, cela ne cesse de disparaître et si ça continue, l'année prochaine à Alger il n'y aura plus d'enseignement de tamazight. C'est déjà fini à Biskra, Ghardaïa…” Les raisons d'une telle situation, selon Youcef Merahi, le manque d'attractivité au sein de l'école pour l'enseignement de tamazight. Et de citer des cas où des chefs d'établissement ont accepté des certificats de dispense de cette langue (!), s'offusque ce dernier : “Nous n'avons cessé de le dire, il faut rendre l'enseignement de tamazight obligatoire dans les établissements où elle est enseignée. Si elle reste facultative, il n'y aura pas d'attraction…” Plus loin, le secrétaire général du HCA avancera d'autres éléments d'explication sur cette régression de l'enseignement de tamazight qui ne reste une réalité que dans les wilayas amazighes : “Trouvez-vous normal que jusqu'à présent l'enseignement de tamazight soit toujours expérimental et cela depuis plus de dix ans. Toute expérience à un début et une fin, qui plus est, depuis cinq ans, le HCA n'a plus de contact avec le ministère de l'Education.” Et de souhaiter une nouvelle démarche pour l'enseignement de tamazight qui reste, selon la Constitution, langue nationale.