Cet homme à jamais brisé par la perte de son épouse force le respect et l'admiration. Sa pugnacité n'a d'égale que le courage de ses convictions et le poids de sa douleur. Tous les journalistes algériens connaissent Djamil Benrabah. Ils le connaissent pour l'avoir trop souvent accueilli dans leurs salles de rédaction. À force de fréquenter la Maison de la presse, à force de rappeler aux journalistes l'insondable douleur de son drame et celui des victimes du terrorisme, Djamil est devenu un symbole. Le symbole de la résistance. Le combat de Djamil Benrabah n'est plus celui de la résistance contre le terrorisme, mais celui contre l'oubli, contre le viol de la mémoire et l'abdication face aux intégristes. Djamil Benrabah a vu sa femme, une jeune magistrate, assassiner devant lui. Il connaît l'assassin de sa femme. Il l'a clairement identifié. Aujourd'hui, l'assassin de cette magistrate est libre. Libre de ses mouvements. Aujourd'hui, grâce à la politique de concorde civile de Bouteflika, cet assassin côtoie chaque jour le regard de l'époux de sa victime. Cet assassin, cet homme qui a tué de sa main une femme, une Algérienne, une mère de famille, une magistrate, est libre de ses mouvements. La justice algérienne ne lui réclame aucun dû. Bouteflika ne lui réclame rien. Sinon l'absolution de son acte. Sinon l'oubli. Peut-on demander à des milliers de Djamil Benrabah d'effacer de leur mémoire le deuil de toute une vie ? Peut-on encore, aujourd'hui, demander à ces millions d'Algériens, qui ont connu les affres du terrorisme islamiste, de faire preuve d'indulgence à l'égard des assassins ? Non ! Qui n'a pas connu la douleur qui brûle les entrailles face à la perte d'un être cher n'est pas capable de mesurer la profondeur de la douleur. Et Bouteflika, hélas pour lui, n'est pas en mesure de sonder les entrailles de ces hommes et femmes qui ont tout donné, absolument tout, pour que ce pays survive. Ce Président n'a su ni ramener la paix ni apaiser la douleur de ceux qui ont subi les affres du terrorisme. Certes, on pourra toujours affirmer, avec des statistiques infaillibles, que le terrorisme a reculé. Et alors ? Le terrorisme a reculé. Il n'est plus en mesure de menacer les institutions de l'Etat ? Cela suffit-il à tirer un bon bilan du projet de Bouteflika ? Loin de là. Ce Président a clairement expliqué aux Algériens que ceux qui ont les mains tachées de sang ne sauraient trouver de pardon. Bouteflika a promis le jugement des terroristes assassins. Il a promis que les tueurs seront traqués et chassés où qu'ils soient. On sait, aujourd'hui, ce qui est advenu de ses promesses. Allez demander à Djamil ce qu'il pense de la concorde civile promulguée par Bouteflika. Il vous dira simplement que l'assassin de sa femme est libre. Il vous dira que le projet de Bouteflika n'a pas pu apaiser son deuil. F. A.