En Egypte, les données semblent beaucoup plus subtiles, surtout concernant la répression de mercredi dernier. Celle-ci est l'œuvre des forces de l'ordre, c'est-à-dire de l'Etat et du pouvoir en place, et non plus celle de quelque groupe islamiste comme cela se voyait d'habitude. Plus de 156 manifestants (le chiffre a été annoncé par l'agence officielle égyptienne Mena) ont été arrêtés mercredi dans les faubourgs du Caire lors d'affrontements entre plusieurs milliers de chrétiens coptes et forces de police égyptiennes. Les mis en cause ont été accusés par une source judiciaire d'avoir planifié l'assassinat de policiers (sic !). En plus des arrestations, au moins un manifestant a été tué et 35 autres blessés au cours des heurts particulièrement violents. La manifestation a été provoquée par l'interdiction des autorités de la construction d'une église, alors que le permis de construire ainsi que tous les documents nécessaires à la réalisation de l'ouvrage auraient été obtenus en bonne et due forme. Selon des sources judiciaires, les personnes interpellées seront maintenues en détention provisoire pendant quinze jours, durant lesquels elles seront interrogées. À l'issue des interrogatoires, elles seront inculpées, maintenues en détention ou libérées pour certaines d'entre elles, selon les mêmes sources. En réalité, la justice égyptienne a ordonné de prolonger de deux semaines la garde à vue des manifestants interpellés. Les Coptes représentent 10% de la population égyptienne, soit près de huit millions d'âmes. Ils se disent de la souche la plus ancienne d'Egypte et affirment que leur généalogie remonte au temps des pharaons. Ils sont chrétiens du rite d'Alexandrie, connus sous le nom de Coptes, qui ne serait, selon eux, que le nom déformé donné par les anciens Grecs aux antiques Egyptiens. Mais, comme ils sont dans un pays très majoritairement musulman, ils se sentent étrangers chez eux et sont victimes de persécutions qui, pour n'être pas à grande échelle, n'en sont pas moins régulières. En réalité, ce n'est pas leur ethnie qui est prise à partie, mais leur religion. Ce cas de figure n'est pas spécifique à l'Egypte, mais se retrouve à des échelles plus ou moins grandes dans la majorité des pays où l'islam est la religion dominante, y compris dans certains pays du Maghreb. Le cas des Chaldéens et, plus généralement des chrétiens d'Irak, particulièrement ciblés ces derniers temps par les attentats islamistes, est des plus édifiants. Mais en Egypte, les données semblent beaucoup plus subtiles, surtout concernant la répression de mercredi dernier. Celle-ci est l'œuvre des forces de l'ordre, c'est-à-dire de l'Etat et du pouvoir en place, et non plus celle de quelque groupe islamiste comme cela se voyait d'habitude. Elle intervient, de plus, à quelques jours seulement d'une répression tout aussi musclée dont ont été victimes des manifestants identifiés officiellement comme Frères musulmans, notamment à Alexandrie. Le fait est que le mouvement des Frères musulmans, bien qu'officiellement interdit, représente l'opposition la plus sérieuse au régime égyptien et au clan Moubarak. N'ayant pas le droit de participer aux élections, le mouvement injecte des candidatures dites indépendantes à chaque rendez-vous électoral et remporte un succès relatif qui ne manque pas d'inquiéter le régime. Le même scénario a donc prévalu à l'approche des législatives, ce qui a fait réagir le pouvoir pour éviter que les islamistes ne rééditent certains de leurs succès électoraux passés. Une telle réaction est néanmoins compréhensible dans un régime où la démocratie n'est surtout pas un socle de la société et de la République. Mais quid des Coptes, qui ne sont pas réputés particulièrement actifs politiquement et qui, bien souvent, ont besoin de la protection de l'Etat contre une société de plus en plus radicalisée et hostile ? De là à penser que la répression des Coptes, intervenue à une encablure des législatives, est un message à un électorat qui pourrait être tenté par un vote “indépendant”, c'est-à-dire islamiste, il n'y a qu'un pas que même la plus grande des prudences permet de franchir.