L'une des dernières analyses de la sociologue Amel Boubekeur porte sur le thème “L'islamisme algérien : de la réconciliation à l'échec de la participation politique”. La contribution, publiée dans le 7e numéro du magazine Moyen-Orient (août-septembre 2010), signale d'emblée qu'un “changement spectaculaire” s'est opéré dans le monde islamiste algérien. À ce propos, la jeune chercheuse de l'EHESS écrit que “l'islamisme algérien est passé, en 30 ans, de l'opposition radicale à une logique participationniste avec le régime, de la violence politique à l'expression de revendications démocratiques et du refus du compromis culturel au dialogue avec les puissances occidentales”. Seulement, relève-t-elle, la question qui se pose “âprement” pour les chefs islamistes est de savoir s'ils doivent continuer à participer à un système politique “qui les affaiblit et les neutralise” ou, au contraire, s'en détourner, pour “réinventer de nouveaux pôles de contestation”. Dans ce cadre précis, la spécialiste se demande s'il est vraiment utile de parler de “réhabilitation du FIS (…) depuis que la concorde a été promulguée”. Elle relève cependant le problème du “paradoxe” de la charte pour la paix et la réconciliation nationale qui interdit aux anciens chefs du parti islamiste dissous de revenir sur la scène politique, “tout en le leur faisant espérer”. “La réconciliation les neutralise politiquement, car ils sont toujours considérés comme terroristes repentis, mais elle leur permet aussi d'exister”, précise-elle. La sociologue ne s'attend pas non plus à une évolution surprenante de leur avenir, “dans les prochains mois”, car, explique-t-elle, “l'Etat ne souhaite pas leur redonner vie, après avoir instauré le consensus autour du projet de réconciliation”. Sur un autre plan, Mme Boubekeur constate un “développement exponentiel” de la daâwa salafiyya sur le terrain. Un courant islamiste qui, selon elle, s'inspire “grandement” de la doctrine wahhabite et qui est devenu “le principal mouvement de réislamisation du pays, bien avant les partis islamistes (…) aux visées politiques changeantes et hasardeuses”. Dans sa conclusion, la chercheuse considère que dans l'état actuel des choses et en raison surtout de l'absence de délivrance d'agréments aux nouveaux partis politiques, “le salafisme prédicatif réactive l'ancien schéma de substitution des partis par le mouvement associatif”, qui prédominait à l'époque du parti unique. Dans le même temps, Amel Boubekeur estime que ce salafisme “non oppositionnel et populaire” représente pour beaucoup “une alternative à la crise de représentativité du champ politique algérien actuel”.