Le président de la commission d'organisation et de surveillance des opérations de Bourse, M. Ismaïl Nourredine, a dévoilé, mardi, lors de la présentation des résultats de l'appel public à l'épargne lancé par Alliance Assurances, les grands axes de la réforme du marché financier, adoptée par les pouvoirs publics. La démarche, a-t-il expliqué, consiste principalement à réorganiser les services d'investissement et à parachever le cadre légal, réglementaire, technique et organisationnel pour le rendre incitatif. Le chantier sera engagé dès 2011. “Actuellement, nous avons mobilisé nos ressources pour mettre en place une unité de gestion sur deux années”, a annoncé M. Ismaïl Noureddine. La première année sera une phase d'évaluation et de conception, qui va permettre de définir les grands choix nationaux, les besoins et les capacités du marché financier. “Nous allons mobiliser l'expertise nationale et internationale, les professionnels, les autorités, tout le monde... Une occasion de débattre de la situation et de l'avenir du marché financier. Pour la première fois, il y aura un débat national sur la place, le rôle et l'avenir du marché financier en Algérie”, souligne le président de la Cosob. “Il y a des choix très importants à faire. La Cosob ne peut pas les faire seule. La Bourse aussi. Ce sont des choix nationaux de dimension politique et stratégique qui doivent être faits pendant cette phase”, a-t-il ajouté, précisant que la réalisation de la réforme du marché financier est l'aboutissement de toutes les réformes. L'unité de gestion est pilotée par le ministère des finances. C'est le ministre des Finances qui préside le comité de pilotage. Evoquant le regard des observateurs sur le marché financier, le président de la Cosob parle de lassitude devant la longue attente d'introduction des entreprises à la cote et la relance de la Bourse d'Alger, et d'impatience d'avoir un marché financier pour soutenir le développement des entreprises privées et publiques, mais aussi d'espoir. “Tout le monde est unanime à dire que le marché financier est nécessaire.” Dressant une sorte de bilan, M. Ismaïl Nourredine indique que beaucoup de choses ont été faites, “mais les résultats sont insuffisants”. Pourquoi ? La bourse d'Alger a été instituée par un décret qui date de 1993. Le législateur a projeté à l'époque une bourse très moderne pour l'économie nationale. Il a défini une bourse sous forme de société par action. “Ce schéma moderne nous a posé beaucoup de problème”, a indiqué le président de la Cosob. La question de financement de la Bourse d'Alger s'est posée dès le départ. “Très vite, on s'est aperçu, en 2003, que la Bourse d'Alger ne pouvait pas continuer sur ce chemin. Il fallait recentrer l'intermédiation en Bourse et la réorganiser au sein même de la banque”, a-t-il indiqué, rappelant que la loi a été amendée pour instituer un dépositaire central des titres et autoriser les banques à exercer l'activité d'intermédiation en bourse. Depuis, il y a eu émission d'une trentaine d'emprunts obligataires par des sociétés publiques et privées, dont cinq dédiés au grand public et sont cotés à la bourse. Il y a eu aussi l'introduction de 22 lignes d'obligations assimilables du Trésor dont la durée dépasse les cinq ans et seulement deux titres d'actions cotés à la Bourse d'Alger. La cause : la privatisation d'un nombre important d'entreprises publiques, entre 2003 et 2008, qui s'est déroulée en dehors de la bourse. “C'est un choix du gouvernement à l'époque ; un choix qui fait que la bourse d'Alger se retrouve, aujourd'hui, seulement avec deux titres introduits en 1998 et 1999”, a-t-il constaté. Pour autant, tout n'est pas noir. Le président de la commission d'organisation et de surveillance des opérations de Bourse parle de facteurs favorables à la relance de la Bourse. Les banques de la place se sont familiarisées avec les opérations de syndication et de placement sur le marché primaire. “C'est une très bonne chose”, a estimé le président de la Cosob. “La place dispose d'une bourse opérationnelle et d'un dépositaire central des titres, qui garantissent la dématérialisation des titres. Les banques, agréées comme intermédiaire des opérations en bourse (IOB), maîtrisent aujourd'hui la tenue de compte conservation et le dénouement des transactions...”, a-t-il ajouté. Cependant, cette relance est plombée par certaines insuffisances. Le marché secondaire aujourd'hui est structurellement illiquide. “On se retrouve avec des prix déconnectés des performances des entreprises cotées”, regrette M. Ismaïl Noureddine. Le cadre légal et réglementaire est inachevé. L'appel public à l'épargne n'est pas bien défini. Les offres publiques de vente (OPV), les offres publiques d'achat (OPA) n'existent pas. Plusieurs cas ne sont pas définis par le droit des affaires en vigueur en Algérie. Par ailleurs, les services d'investissements nécessaires au marché sont inexistants. Il n'y a pas de gestion d'actif, ni de gestion collective de fonds de portefeuille. Il n'y a pas d'analyse financière indépendante… “On ne peut pas construire un marché financier sans qu'il y ait un développement et une professionnalisation des services d'investissement”, souligne M. Ismaïl Nourredine. Autre insuffisance citée par le P-DG de la Cosob, l'organisation et le fonctionnement actuel du marché, le manque de consensus, de schéma directeur et de visibilité. Résultat : le système financier en place n'arrive pas à mettre en relation l'épargne importante disponible et le grand besoin des entreprises à long terme. Le financement de centaines d'entreprises éligibles se fait actuellement sur le budget de l'Etat au marché financier, à travers les opérations d'assainissement répétitives des entreprises et le Fonds national des investissements, ce qui génère un coût important à l'Etat. Le président de la Cosob plaide pour un véritable programme national d'émission. “On ne peut plus attendre 10 ans pour qu'une entreprise entre en bourse”, souligne-t-il.