Il y a une année, le colonel Ali Tounsi, directeur de la Sûreté nationale, était assassiné, dans son bureau, par l'un de ses plus proches collaborateurs. L'enquête a été achevée et la chambre d'accusation près la cour d'Alger a renvoyé le dossier devant le tribunal criminel pour homicide avec préméditation, guet-apens, tentative d'assassinat avec préméditation et port d'arme sans autorisation. Le procès a été programmé l'année en cours sans que toute la lumière soit faite sur cette affaire ; une première dans les annales de la justice algérienne où le mobile de l'assassinat n'est pas réellement connu. En attendant le procès qui promet des révélations fracassantes, il est intéressant de s'interroger : est-ce que toute la vérité sera faite sur cet assassinat ? Le 25 février 2010, le colonel Ali Tounsi a été assassiné dans son bureau à la DGSN après avoir passé plus de quinze ans à la tête de la Sûreté nationale qu'il a gérée dans des moments difficiles marqués par la recrudescence des attentats terroristes et les attentats à la bombe qui ont ciblé les éléments des services de sécurité et les civils. Beaucoup lui reconnaissent son courage, dans les moments les plus difficiles du terrorisme, et aussi son sang-froid face aux scandales qu'a connus l'institution policière mais qui n'ont pas perturbé sa volonté de poursuivre sa mission. Il a le mérite d'avoir valorisé la police algérienne Il a le mérite d'avoir haussé le niveau global de la Police algérienne et d'en faire une référence dans la lutte contre le terrorisme. Il est aussi l'initiateur de la police de proximité dans le monde arabe par sa gestion à travers la réorganisation et la modernisation de l'institution qui était l'une de ses priorités. Le colonel était aussi un précurseur par la désignation des femmes dans les hauts postes de responsabilité. Certes, le statut de la police a été adopté après son départ, mais il a été élaboré et présenté au gouvernement de son vivant. Il avait toujours axé ses efforts sur l'amélioration des conditions socioprofessionnelles par l'installation d'une cellule de suivi psychologique des policiers en se déclarant être le “seul syndicat” au sein de la police. Un militaire de carrière, qui n'esquivait pas les questions sensibles comme lors de son conflit présumé avec l'ex-ministre de l'Intérieur quand il affirmait : “Je ne démissionne pas. Un moudjahid ne démissionne jamais”. À la surprise générale, il fut assassiné par balle, non par un terroriste bien qu'il fût plusieurs fois la cible d'attentats, mais par un homme considéré comme son plus proche collaborateur, le colonel Oultache, l'ex-directeur de l'unité aérienne de la police en détention actuellement à Serkaji pour homicide volontaire avec préméditation, détention d'arme sans autorisation. Même si rien n'a filtré sur la date du procès, des sources proches du dossier affirment qu'il sera programmé au cours de cette année d'autant que la Cour suprême a déjà rejeté les requêtes de la défense de la partie civile et des avocats de l'auteur du crime. Dossier clos pour l'enquête mais sans pour autant que la vérité soit totalement dévoilée dans cette affaire qui n'est pas du tout “un simple crime dû à une crise de démence”. Au regard de la stature de l'homme, quelles étaient les vraies raisons qui ont poussé Oultache à tirer à bout portant sur son chef et ami ? Ali Tounsi a été assassiné dans son bureau alors qu'il s'apprêtait à présider une réunion avec des cadres à la DGSN, ces derniers présents le jour de l'assassinat ont été tous mis au vert, le chef de SW d'Alger présent sur les lieux et même blessé a été mis à la disposition de l'inspection régionale de la police à l'Ouest ainsi que le DAG. Le fond de la discussion entre Tounsi et Oultache, qui a porté sur des transactions douteuses selon des témoins, n'a jamais été abordé. “C'est dans ce sens que l'instruction aurait dû s'orienter”. Me Bourayou, l'avocat de la partie civile, avait déclaré que le juge d'instruction n'aurait jamais dû ignorer le contexte dans lequel l'assassinat a eu lieu. La procédure entachée d'irrégularités ! Ni la défense ni la partie civile, d'ailleurs, ne sont satisfaites de la procédure de cette délicate affaire. La défense de la partie civile a dénoncé le non-respect de la scène du crime, l'absence du médecin légiste au moment de la levée du corps du défunt, une reconstitution mal faite, pas de recherche du timing exact du jour de l'assassinat. “On ignore encore tout de l'heure exacte à laquelle les balles assassines ont été tirées ou combien de temps Oultache est-il resté dans le bureau de Tounsi après avoir tiré”, indiquent des avocats d'autant que l'audition de Zerhouni, ministre de l'Intérieur de l'époque, a été rejetée à trois reprises malgré la disposition de ce dernier à témoigner. La défense n'a pas manqué de dénoncer une volonté “maladroite” de réduire le dossier à un problème entre deux personnes. Et si tel était le cas, quel est ce problème ? De même pour la défense de Oultache, l'assassin présumé, “il y a une volonté de ne pas parvenir à la vérité”. Les déclarations de ce dernier, qui a reconnu n'avoir tiré qu'une seule balle et que les deux balles tirées dans la tête de Tounsi ne sont pas de son arme, a ajouté une zone d'ombre dans cette affaire. La défense de l'auteur va certainement exiger une contre-expertise lors du procès qui risque d'être explosif.