La chambre d'accusation près la cour d'Alger a renvoyé le dossier relatif à l'assassinat de Ali Tounsi devant le tribunal criminel pour homicide avec préméditation, guet-apens, tentative d'assassinat avec préméditation et port d'arme sans autorisation. La décision a suscité la colère des avocats de l'auteur présumé, qui se pourvoient en cassation auprès de la Cour suprême. La chambre d'accusation près la cour d'Alger a finalement renvoyé l'affaire relative à l'assassinat, le 25 février dernier, de Ali Tounsi, patron de la police, devant le tribunal criminel. L'arrêt, tombé jeudi dernier, vient confirmer les charges retenues contre l'auteur présumé, le colonel Chouaïb Oultache, directeur de l'unité aérienne de la Sûreté nationale et proche collaborateur du défunt, à savoir : « assassinat avec préméditation et guet-apens, tentative d'assassinat avec préméditation et guet-apens et port d'arme à feu de catégorie 4 sans autorisation ». Si les avocats de la partie civile se sont abstenus de tout commentaire, la défense d'Oultache a exprimé sa colère et a annoncé sa volonté de se pourvoir en cassation auprès de la Cour suprême « mais sans illusion de voir le droit réhabilité ». Dans une déclaration rendue publique, maîtres Youcef Dilem et Mohand Tayeb Belarif sont tout d'abord revenus sur ce qu'ils ont qualifié comme étant « de graves violations de la procédure ». Pour eux, l'examen du dossier (par la chambre d'accusation) prévu pour le 7 juillet 2010, mis en délibéré le 14 juillet 2010 « a finalement été remis au rôle pour la date du 21 juillet à la demande de la partie civile pour violation des dispositions de l'article 182 du code de procédure pénale », précisant plus loin, qu'« en réalité », cette remise au rôle « n'avait d'autre but que de régulariser une violation grossière de la loi (une de plus) ». En effet, les avocats expliquent que l'article 182 du code de procédure pénale « fixe un délai minimum de cinq jours entre la date d'envoi de la notification et celle à laquelle l'affaire sera appelée à l'audience. Dans le cas d'espèce, le procureur général près la cour d'Alger n'a envoyé la notification à la partie civile et à la défense, le cachet de la poste faisant foi, que le 4 juillet 2010 pour l'audience du 7 juillet, soit seulement 2 jours avant l'audience à laquelle l'affaire fut appelée (7 juillet) ». Des vices de procédure qu'ils estiment non pris en compte par la chambre d'accusation « dont le rôle essentiel est avant tout le contrôle de la régularité de la procédure d'instruction et de chacun des actes entrepris (ou omis) par le magistrat instructeur ». Notre confrère et ami, Hocine Zehouane, avait dit lors d'un procès que « les règles de procédure sont pour la justice ce que les ablutions sont pour la prière, lorsque les ablutions sont viciées, la prière est nulle. Jamais justice ne sera crédible lorsque la loi de procédure est foulée aux pieds ». Maîtres Dilem et Belarif affirment que dans le dossier de l'assassinat de Ali Tounsi, « les omissions et les irrégularités sont multiples et variées », à commencer par le fait que « la police judiciaire échappe à tout contrôle de la justice, aussi bien à celui du procureur de la république qu'à celui du juge d'instruction ». Selon eux, celle-ci (la police judiciaire) « a déplacé le cadavre, procédé à la levée du corps et recueilli des indices et des preuves en violation des règles élémentaires du droit ». A ce titre, ils citent comme exemple « la saisie et l'ouverture de l'arme du crime » en dehors du contrôle du procureur de la République, et sa « non mise immédiate » sous scellés par ce dernier. « Son ouverture s'est effectuée en dehors de toute légalité », les « analyses » et « expertises » se sont déroulées en violation de la loi, ajoutant plus loin : « Quand la justice est soumise au bon vouloir de la police, alors nous nous trouvons face à un système oppressif. C'est la marque de la dictature. Que peuvent faire des magistrats bridés sinon se taire ou faire dans l'excès de zèle ? » Les avocats s'en prennent au juge d'instruction, qui, selon eux, « s'est surpassé à travers le faux ostentatoire qu'il a commis, pour corroborer la thèse de la police judiciaire et en falsifiant les déclarations d'Oultache Chouaïb lors de la reconstitution du crime ». En fait, la défense relève que lors de cette constitution, Oultache avait déclaré avoir tiré « quatre balles », et qu'il n'a « jamais » visé la tête du défunt. Le rapport de l'expertise avance la thèse de la mort par deux balles tirées en direction de la tête du défunt. « La plainte déposée contre le juge est étouffée par le procureur général en dépit de l'évidence du faux. Le seul moyen de disculper le juge d'instruction est la falsification de l'enregistrement vidéo et audio de la reconstitution, nous ne doutons pas un seul instant qu'ils en soient capables », affirment les avocats, en soulignant que le magistrat instructeur « n'a jamais porté à la connaissance d'Oultache Chouaïb ni à celle de ses conseils les conclusions des expertises, ni consigné sur procès-verbal ses observations, encore moins donné un délai pour présenter ses demandes, notamment celles relatives à une contre-expertise comme le prévoit le code de procédure pénale (article 154) ». A ce titre, la défense d'Oultache rappelle que tous ces moyens de droit ont été soulevés dans le cadre d'un mémoire circonstancié. « De toute évidence, le droit et la loi ne sont pas la préoccupation de l'appareil judiciaire. Les hommes et les femmes qui y officient doivent être très mal dans leur peau. Nous nous excusons devant leurs personnes, mais notre conscience ne nous permet pas de taire l'insoutenable vérité », concluent maîtres Dilem et Belarif. Ils annoncent leur volonté de se pourvoir en cassation auprès de la Cour suprême, même s'ils estiment que cette action reste « sans illusion de voir le droit réhabilité ». A rappeler que les avocats d'Oultache avaient déjà menacé de recourir aux instances internationales de justice, après épuisement des voies internes, si jamais leurs demandes relatives à « l'obligation du respect de la procédure » n'étaient pas satisfaites. Ils ont même annoncé que leur mandant avait pris la décision de se murer dans un silence de marbre et ne plus répondre aux questions dans le cas où la thèse des « deux balles dans la tête » est retenue. En tout état de cause, l'affaire risque de connaître de nouveaux rebondissements si la Cour suprême décidait de rejeter le pourvoi.