Il y avait foule, la salle était archicomble, lundi soir, au CCF d'Oran, pour assister à la conférence-exposition des deux dessinateurs de presse que sont Plantu et Dilem. Ces derniers font actuellement une sorte de tour d'Algérie, en collaboration avec le Centre culturel français, dans le cadre de la fondation Cartooning for Peace. Cette fondation, créée en 2006 par l'ancien SG de l'ONU, Kofi Annan, et Plantu, le caricaturiste du quotidien Le Monde, suite aux fameuses caricatures sur le Prophète Mohamed (QSSSL). Elle s'est fixé comme objectif d'aller vers une meilleure compréhension et un respect mutuel entre les populations de différentes croyances et de différentes cultures, et ce, avec la caricature. Ce duo de choc a très rapidement fait l'unanimité au CCF d'Oran, avec son approche, tout en humour et en simplicité et, surtout, avec les planches de leurs caricatures qu'ils projetteront au fur et à mesure que le débat avançait. Plantu, feutre à la main, n'hésitait pas parfois à illustrer certains de ses propos sur des actualités pas toujours faciles ou des situations vécues, par un dessin sur le vif et pour le plus grand plaisir du public, laissant éclater des rires salvateurs. Tour à tour, ils se “passeront” et la parole et le feutre. Ali Dilem, qui “sévit” depuis plusieurs années dans le quotidien Liberté, se racontera notamment lors de ses premières caricatures croquant les intouchables dans notre pays dans les années 1990, à savoir les généraux, les chefs d'état, Chadli, ou encore Zeroual, et ces dernières années, Bouteflika, devenu incontournable dans la page 24. Ainsi, pour Dilem : “Le seul acquis qui nous reste de 1988, c'est bien la presse et la caricature ; ce n'est pas là une réaction corporatiste de dessiner Lamari ou Toufik, c'est déjà un blasphème.” Et d'évoquer les situations ubuesques des audiences lors de ses procès en chaîne où un juge lui demande d'expliquer sa caricature, comme s'il pouvait y avoir un mode d'emploi pour comprendre ou se justifier. La caricature, par excellence, vit dans chaque interprétation qui en est faite par le lecteur. Des situations, mêmes si elles n'ont pas atteint ce degré d'absurdité, se sont aussi posées à Plantu, souvent contraint de “défendre sa caricature” devant le rédacteur en chef du Monde, parce que jugée parfois comme trop osée. Ce sont souvent des caricatures touchant aux symboles du religieux, à Israël et à la Palestine, qui dérangent et qui font réagir. Et Plantu d'expliquer le combat au quotidien du caricaturiste lorsqu'il est interrogé sur la censure. Si Dilem reconnaît les quelquefois où il fut censuré ou contraint à modifier son dessin pour le rendre peut-être plus lisse, Plantu raconte justement que “c'est une bataille de tous les jours. On peut rire de tout, mais il y a la manière de dire les choses et, surtout, ne pas offenser inutilement. Il n'est pas utile d'humilier les croyants”, en référence à la polémique sur les caricatures du Prophète. Dilem, pour sa part, dira s'interdire tout antisémitisme. Lors des débats, Plantu saluera cette force qu'il constate dans les dessins de son copain, mais dans la société algérienne, la force de l'autodérision des Algériens. Ce qui a, probablement, permis à tous dans le pays de supporter et d'avancer malgré les horreurs et les difficultés.