Une vingtaine de pays et d'organisations, dont l'Onu et l'Otan, se sont réunis hier à Doha, dans le cadre du Groupe de contact issu de la conférence de Londres et chargé du suivi et de la gestion politique du conflit libyen. Contrairement à Londres où l'insurrection libyenne n'était pas admise à la table des discussions, à Doha elle est représentée par une délégation du Conseil national de transition, qui sera entendue en plénière. La délégation est conduite par son représentant international Ahmed Jibril qui a préalablement rencontré les ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne, réunis mardi à Luxembourg. Le CNT a formulé une série de requêtes qu'il devait réitérer hier devant le Groupe de contact. Il réclamait, notamment, la protection des civils bombardés par les forces loyalistes, une assistance militaire, des armes, de l'argent et, sur le plan politique, une reconnaissance plus large de l'organe directeur de l'insurrection. Pour l'instant, seuls trois pays, la France, l'Italie et le Qatar, reconnaissent le CNT comme l'unique représentant du peuple libyen en dépêchant un ambassadeur à Benghazi. “Nous voulons un passage d'une reconnaissance de facto à une reconnaissance légitime internationale”, a indiqué son porte-parole, qui a émis le vœu d'une “reconnaissance claire et officielle” de Washington. Une telle reconnaissance faciliterait, entre autres, la libération de quelque 30 milliards de dollars gelés aux Etats-Unis dans le cadre des sanctions infligées à Kadhafi et son régime. Cette rencontre intervient à un moment crucial, où l'on n'hésite plus à évoquer les limites de l'action armée, allant parfois jusqu'à reconnaître qu'“il n'y a pas de solution militaire”, comme l'a allègrement souligné le secrétaire général de l'Otan dans une récente intervention. Elle intervient aussi sur fond de polémique à propos de l'intensité et de l'efficacité des frappes de l'Otan contre l'arsenal de Kadhafi. Alors que la France et la Grande-Bretagne estiment que l'Otan et certains alliés ne font pas assez, confortant en cela les griefs exprimés par les insurgés libyens, les Etats-Unis et l'Espagne, par exemple, pensent tout le contraire. La controverse est aiguisée par l'impasse militaire entre insurgés qui occupent l'est du pays et les troupes de Kadhafi qui contrôlent la partie occidentale ainsi que la capitale Tripoli. Cette situation fait craindre l'enlisement des pays coalisés dans un conflit interminable si le colonel Kadhafi n'est pas contraint au départ par la force. Mais les avis sont partagés et de nombreux partenaires veulent s'en tenir aux termes de la résolution 1973 autorisant la protection des civils, une zone d'exclusion aérienne et l'acheminement sécurisé de l'aide humanitaire. La réunion de Doha intervient aussi après l'échec d'une première tentative de l'Union africaine de débloquer la situation en proposant une feuille de route acceptée par Kadhafi mais énergiquement rejetée par l'opposition, qui fait du départ du dictateur et de ses fils un préalable non négociable. À l'heure où nous mettons sous presse, les décisions qui sortiront de la réunion de Doha ne sont pas encore connues. Il est certain, cependant, que le CNT est appelé à engranger quelques acquis, comme en témoigne la position de l'Italie qui, à l'entame de la réunion, a exprimé sa volonté d'armer l'insurrection. On peut penser qu'au moins, Londres et Paris seront sur la même position. La position de l'Italie, ancienne force d'occupation coloniale en Libye, n'est pas anodine. De gigantesques intérêts lient les deux pays et il est évident que, plus que tout autre capitale, Rome veut en finir avec ce conflit dans les meilleurs délais. Mais il est certain, aussi, qu'il n'y aura pas d'unanimité sur le sujet. Divergences et controverses ont de beaux jours devant elles. À moins que l'ombre de Gbagbo ne vienne mettre tout le monde d'accord.