Les milliers de jeunes Français veulent imiter leurs compatriotes espagnols, lesquels se sont copieusement inspirés du “printemps arabe”. Ils ont dressé leur bivouac à la Bastille, à Paris, lieu symbolique de la naissance de la révolution et de la démocratie française. Le mouvement a suscité de l'intérêt et a même commencé à se propager à autres villes françaises. Du moins, Facebook et Twitter, les nouvelles armes de destruction pacifique contre les dictatures et l'ordre établi “indigne”, se sont emballées. Mais, le président français dont la chute dans les sondages ne s'inverse toujours pas, ne veut pas courir le risque de voir s'étendre ce mouvement de jeunes et d'indignés qui rêvent d'une autre France, renvoyant dos à dos les formations politiques pour la démocratie directe et un monde plus équitable. Pacifistes, les occupants de la place emblématique des révolutions et protestations sociales françaises n'ont pas opposé de grandes résistances à la police qui a utilisé des gaz lacrymogènes pour ensuite démonter les tentes autour de la place. L'opération très musclée, s'est déroulée dans la nuit de dimanche à lundi. Entamé le 19 mai pour faire écho au mouvement de contestation spontané né le 15 mai à la Puerta del Sol (Porte du soleil) à Madrid, ce regroupement quotidien, jusqu'alors confidentiel, a pris une ampleur inédite dimanche avec un millier de jeunes selon la police, le tout dans une ambiance festive, selon le mode organisationnel que les jeunes Cairotes avait inventé à la place Tahrir et qui a chassé Moubarak, sa famille et ses proches. Les orateurs avaient défilé pour fustiger l'establishment français mais aussi le FMI, la Banque centrale européenne, la Commission européenne. Les banderoles et les slogans sont autant d'appels à une révolte : “Démocratie réelle maintenant”, “Paris, réveille-toi”, “Paris debout, soulève-toi”, “Mai 1968 demandait l'impossible, mai 2011 réalisera l'impossible”. Les manifestants se défendent d'être des utopiques, ils réclament un Etat social contre la précarité et le chômage, sans oublier l'ordre inégalitaire mondial. Ce n'est que partie remise, ont promis les organisateurs de la révolte des jeunes Français. En Espagne, le mouvement ne s'est pas essoufflé malgré les coups de la police qui avait réussi à “libérer” plaça de Catalunya, la grande place de Barcelone, avant le match de l'année. Les coups de matraque des forces de l'ordre qui ont circulé en live sur Facebook et You Tube, ont redonné de la voix au printemps espagnol. À la Puerta del Sol, la place touristique de Madrid, le grand campement alternatif n'a pas été levé. C'est qu'en Espagne, la malvie des jeunes est à la mesure de la crise qui dévaste le pays depuis trois ans : un chômage à plus de 20%, près de la moitié des moins de 35 ans sans emploi, une majorité de jeunes contraints d'habiter chez leurs parents et de dépendre deux. Le mouvement du 15 mai dénonce les institutions espagnoles, expriment un dégoût du libéralisme, des banques et du FMI, devant lequel le gouvernement socialiste se couche. Pour l'instant, il n'y pas de propositions concrètes mais au moins expliquent les manifestants, les jeunes discutent politique, ce qui n'arrivant jamais en Europe. Reste que l'Espagne semble être à la croisée des chemins, comme pendant la transition entre le franquisme et la démocratie. Mais, le PP (Parti populaire, droite) et le PSOE (Parti socialiste), les deux principales formations politiques, semblent pour l'heure imperméables aux demandes de la jeunesse. Du côté du Parti populaire, on prône même l'intransigeance tandis que socialistes s'entre-déchirent après la cuisante défaite aux élections municipales et s'apprêtent même à perdre les législatives, donc le pouvoir. Alfredo Pérez Rubalcaba, le ministre de l'Intérieur qui va prendre la tête du PSOE, qui a dit réfléchir à une évacuation des campements ! À Madrid, une intervention policière ne sera peut-être pas nécessaire. Hier, une assemblée générale devait décider s'il fallait continuer ou non à occuper la place de la Puerta del Sol, les organisateurs ayant peur que les manifestants ne s'épuisent et que le village alternatif ne finisse par susciter la désapprobation des citoyens, certes solidaires des jeunes mais pas trop d'accord avec la défiguration de la grand place de Madrid, la vitrine de l'Espagne. Le mouvement n'aura pas disparu pour autant.