L'Ecole supérieure de la Gendarmerie nationale des Issers dans la wilaya de Boumerdès a abrité, hier, une cérémonie de sortie de 3 promotions d'officiers, constituées de 371 éléments, dont 24 femmes officiers. 19 officiers figurent parmi les victimes de l'attentat terroriste ayant ciblé cette école en août 2008, où ils furent incorporés, à l'époque, à l'initiative du commandant de la Gendarmerie nationale, le général-major, Ahmed Bousteïla. Keltoum et Rym, pour ne citer que ces deux exemples, sont allées jusqu'au bout de leur rêve malgré le traumatisme qu'elles ont subi. Dynamique et pleine de vie, Keltoum Belhadj, âgée de 23 ans, semble posséder tous les atouts pour devenir un bon élément du corps de la gendarmerie. Donnant l'air d'être fragile, ce petit bout de femme a plus qu'une histoire à raconter. En fait, Keltoum Belhadj fait partie des 19 stagiaires qui ont vécu l'attentat kamikaze du 18 août 2008. Ces 19 personnes sont des victimes de l'attentat. Elles ont perdu leur famille et leurs amis. Trois ans plus tard, le souvenir reste vivace difficile à oublier. Ce jour, les candidats étaient là pour le test psychotechnique. Ils attendaient dehors avec leurs proches. “Ce jour était un mardi. J'étais avec papa, il me tenait la main devant la porte de l'école. Le kamikaze s'est fait exploser vers 7h45, c'était le vide total dans ma tête”, nous a confié Keltoum, avec beaucoup d'émotion et de chagrin. Âgée à peine de 21 ans, Keltoum a vu son père se mourir devant ses yeux. “À chaque fois, ça me rappelle de mauvais souvenirs, je n'aime pas en parler. Le choc restera pour longtemps”. La jeune fille avait subi un grand traumatisme dont la perte de l'usage de la parole. “Il y avait de nombreux corps, la recherche du corps de mon papa a duré deux jours. Dès qu'on a retrouvé sa dépouille, on est parti à Saïda pour l'enterrer”, a-t-elle narré avec les yeux larmoyants. Le plus déroutant est que cet événement n'a pas incité Keltoum à laisser tomber la gendarmerie mais bien au contraire, la jeune fille était plus résignée à faire ce métier. “J'aime ce travail, c'est un métier comme un autre. Je ne pourrais pas expliquer pourquoi j'aime la gendarmerie mais je compte y rester ! C'était le rêve de mon père et je le fais pour lui”, a-t-elle souligné. Originaire de Saïda, Keltoum Belhadj se bat pour sa famille qui se retrouve sans revenus depuis le décès du père. “Je suis responsable de ma mère et mes frères et sœurs, mon métier va les aider à subvenir à leurs besoins”. Dans son uniforme, son visage caché sous la casquette, Keltoum ressemble à un petit soldat bien entraîné au cœur d'acier. “La seule chose qui m'encourage à continuer, c'est ma famille”, nous a-t-elle confié. Depuis la première promotion de filles en 2002, chaque année, plusieurs jeunes femmes se présentent à l'école pour intégrer la gendarmerie. Cela est le cas pour Rym Benfredj, âgée seulement de 24 ans. Cette jeune fille d'Aïn Defla a toujours rêvé d'être gendarme. “Quand j'étais jeune, je voulais devenir policier. En lançant la promo des filles, je me suis décidée à intégrer la gendarmerie”, a-t-elle raconté. Et d'ajouter : “J'aime ce boulot pour ses valeurs, mais surtout j'adore l'aventure. Je veux faire du terrain et pourquoi ne pas être dans la section de recherche.” Ayant fait ses inscriptions en 2008, après l'attentat kamikaze, elle raconte que cet événement l'a “encore plus motivée”. Et d'ajouter : “S'il le faut, je monterai dans les maquis pour combattre ces gens-là.” Quant à l'ambiance régnante sur place, les stagiaires occupent leur temps libre comme toutes les jeunes filles de leur âge. “Pour celles qui habitent loin, elles restent à l'école pour le week-end. On s'organise des soirées entre nous, on papote, on danse, on fait un peu la fête pour déstresser”, a confié Rym. Ces deux jeunes filles promus officiers n'aspirent qu'à une seule chose “voir des jours meilleurs”.