À toi Smaïl et à tous les martyrs de la démocratie ! Dix ans, un siècle, c'est une tranche d'une vie que nous n'avons pas oubliée, que nous n'oublierons jamais, c'est notre devoir. Oui, nos martyrs ont fait le leur, à nous maintenant d'assumer le nôtre. Trahir nos martyrs, c'est trahir notre pays. Trahir nos martyrs, c'est nous trahir nous-mêmes, nous ne pouvons le faire, sinon autant disparaître de la face de la terre. Et nous ne voulons pas disparaître de la face de la terre. Nous en avons le droit autant tout un chacun d'y vivre, encore plus que certains, parce que nous sommes les maquisards d'hier, les résistants d'aujourd'hui et les militants de demain. Nous voulons vivre et nous vivrons. À Smaïl, à Tahar, à Saïd, et à tant de milliers d'autres morts pour notre pays, nous vous disons que le combat s'organise, que la résistance initiée par vous continue. Nous vous disons que vous avez fait des émules et que vos émules font face, aujourd'hui, aux matraques des policiers et aux assassins islamistes comme vous, hier, vous avez fait face aux kalachnikovs et aux sabres des hommes à Benhadj, Abassi qui lui, aujourd'hui, est parti en villégiature à l'autre bout du monde. Pendant ce temps, d'autres criminels sont devenus par la volonté des tapis dans l'ombre d'hier et d'aujourd'hui, des “Guévaristes, de bons patriotes et des messieurs” (sic)... Le combat pour la démocratie, comme pour la liberté, est une culture ancestrale que nous exhibons fièrement à la face du monde. C'est dans cette logique des choses que nous condamnons la glorification par les gens au pouvoir de l'islamisme assassin qui s'y acoquinent pour assurer leur pérennité. Sinon, qu'ils nous le disent, qu'ils aient le courage de nous l'avouer que c'est un accessit, une récompense pour services rendus. Dix ans, une tranche d'une vie que nous n'avons pas vécue. La machine infernale de la tuerie islamiste continue avec la bénédiction des dictateurs d'hier, dictateurs d'aujourd'hui et ils veulent le rester aux prix d'autres fleuves de sang et d'autres montagnes de cadavres. Même la justice semble avoir oublié sa contribution à la lutte contre l'intolérance, elle devient un instrument répressif au service des aventuriers. De toutes les manières, toutes les institutions ont perdu toutes crédibilités, donc notre confiance. Ainsi, nous sommes réduits, par leur volonté, à commémorer des dates de décès et point d'anniversaire. Ce qui nous réconforte dans tout ceci : que nos martyrs ne sont pas morts pour vols ! Ils sont morts pour un combat noble, républicain, démocratique et c'est là la différence entre un Algérien, un vrai, et un autre de circonstance. Non, non, nous ne saurons pardonner le mal qu'ils nous ont fait ! Dix ans, un siècle, un millénaire, c'est toujours une tranche d'une vie et vous serez toujours là, présents dans nos mémoires, dans nos cœurs et vos noms seront inscrits en lettres d'or au panthéon des hommes valeureux de la nation. Non à l'islamisme. Non à l'amnistie. Non à la concorde civile. Non à la concorde nationale. Oui à la justice. Dix ans après avoir décidé de mettre fin au sourire angélique de Smaïl Yefsah qui entrait dans tous les foyers, les commanditaires de son assassinat ont-ils la conscience tranquille ? Dorment-ils la nuit ? Continuent-ils à se retrouver autour d'une table, d'une meïda avec leurs progénitures ? Nos malheurs continuent, parce que la religion se laisse encore pétrir au gré d'une levure de circonstance. Nos malheurs continuent parce que certains, par calcul ou par inadvertance, ont intronisé Abdelaziz Bouteflika, Ubu Roi ! Par respect à la mémoire de nos martyrs et à leur souvenir, nous ne pouvons que continuer leur combat et ne pas fléchir : ça sera toujours une tranche d'une vie à vivre pleinement. Et l'Histoire en témoignera. A. Y. *Frère de Smaïl Yefsah, journaliste de l'ENTV, assassiné le 18 octobre 1993.