Le chef de la diplomatie algérienne a été auditionné, hier, par la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale française. Une heure et demie durant, Mourad Medelci a tenté de rassurer ses vis-à-vis français. Au-delà de l'entorse protocolaire — car on imagine mal un Alain Juppé auditionné par la commission des affaires étrangères de l'APN —, il y a lieu de soulever le fait que cette audition intervient à un moment où la droite française, beaucoup plus préoccupée par la présidentielle de 2012, chasse sur le terrain de l'extrême droite en vue de se maintenir au pouvoir. Et dans cette surenchère électoraliste, l'Algérie en prend pour son compte, que ce soit pour sa communauté établie en France, ou encore sur l'épineux dossier de l'histoire commune. Les Français ont mis les petits plats dans les grands pour permettre à leur hôte d'expliquer la version algérienne, sachant que, pour les affaires “sérieuses”, c'est Monsieur Algérie, Jean-Pierre Raffarin, qui s'en charge. N'empêche, Mourad Medelci devait rencontrer son homologue français pour la troisième fois durant cette année. Ceci dit, Mourad Medelci a passé l'oral des députés français sans grand soucis. Les deux partis ayant convenu de rester dans le “politiquement correct”. Le chef de la diplomatie algérienne est revenu sur les réformes politiques en Algérie, les “révoltes arabes”, le secret de la non-contagion de l'Algérie, mais aussi sur le dossier de l'histoire. Pour Mourad Medelci, le fait que l'Algérie ne soit pas touchée par les “intifadas” qui secouent le monde arabe se trouve dans le fait que le pays a connu sa propre “intifada” en 1988 et que, depuis, le peuple n'a pas cessé de protester. “Les Algériens et les Algériennes ont continué de travailler à revendiquer leurs droits, ils l'ont fait avant le Printemps et après le Printemps, peut-être, je dois l'avouer, avec un peu plus d'insistance depuis le Printemps. Les Algériens restent frondeurs, mais fort heureusement, la qualité des rapports entre la population et le pouvoir a permis d'éviter une grande révolte”. Mourad Medelci a indiqué que le processus de réformes engagé par le président Bouteflika sera “consolidé dès le 2e semestre 2012 par la révision de la Constitution” dont les dispositions nouvelles et les amendements permettront, a-t-il soutenu, de situer “au plus haut niveau de la hiérarchie des textes”, les options annoncées par le chef de l'Etat en avril dernier. “Le président Bouteflika a souhaité consacrer son troisième mandat au renforcement des institutions républicaines et de l'Etat de droit, à présent que la paix, la stabilité et la croissance ont été rétablies avec des résultats très encourageants et très clairement perceptibles par les Algériens”, a-t-il ajouté. Alors que le monde arabe connaît une poussée des partis islamistes, à la faveur des dernières révoltes, le chef de la diplomatie algérienne s'est voulu rassurant, en arguant que l'Algérie avait “montré l'exemple” en intégrant les partis islamistes dans le jeu politique et dans les institutions. Pour arguer sa thèse, le chef de la diplomatie algérienne fera remarquer que le code de la famille a toujours été inspiré de la charia. “Nous n'avons pas attendu pour ouvrir le champ à tous ceux qui souhaitent travailler dans le cadre du respect de l'alternance et du respect de l'ordre républicain”, dira-t-il en substance. Durant cette audition, Mourad Medelci évitera les sujets qui fâchent, notamment celui relatif à l'actuelle politique française en matière d'immigration. Il ne s'empêchera pas, pour autant, de jeter une pierre dans le jardin de la droite française, en annonçant, de façon officielle, contre toute attente, l'adhésion de l'Algérie à la Politique européenne de voisinage (PEV), estimant que “la PEV rénovée nous paraît plus sympathique et plus souple”. Une façon de répondre aux reproches français quant aux lenteurs dans la révision de la loi de 1968 accordant un régime spécifique aux Algériens établis en France. Il en fera de même avec le très sensible dossier de l'histoire commune, où il se contentera de parler des préparatifs en Algérie pour la célébration du cinquantenaire de l'Indépendance, tout en se montrant rassurant vis-à-vis des Français. “Nous sommes en train de travailler à un programme du 50e anniversaire dans un esprit qui n'est pas du tout revanchard, qui nous permette de nous auto-évaluer et de faire que ce que ce mouvement historique qu'a été la révolution algérienne puisse ne pas échapper aux générations montantes.” Azzeddine Bensouiah