Quand le fait de la candidature était devenu démocratiquement inconcevable, les dictateurs “élus” du tiers-monde s'essayèrent au multipartisme adapté : espace politique ouvert mais contrôlé. En Tunisie et en Egypte, par exemple, Ben Ali et Moubarak, tout en réprimant l'opposition qui refuse de collaborer, se faisaient régulièrement réélire dans un scrutin pluriel et leurs gouvernements annonçaient, sans sourire, les résultats qui confirmaient le bonheur d'un peuple maté. Puis les “opposants” de parade se retiraient pour dépenser le reliquat de subvention en attendant la prochaine échéance. Le tout est que dans cette configuration, aucune limite temporelle au règne du despote n'est concevable, même si le temps de ce règne est décomposé en “mandats”, pour le besoin de conformité républicaine. Certains ne se sont pas privés d'envisager, et parfois, de mettre en œuvre la présidence à vie. En Algérie, la Constitution de 1989 avait, pour la première fois dans le monde dit arabe, envisagé une compétition sans filet entre les courants politiques. Si les premières élections locales et législatives ont confirmé la sincérité réformiste du gouvernement qui les a supervisées, les événements n'ont pas donné le temps au pouvoir d'être confronté à une échéance présidentielle multipartite. On ne peut que supputer sur ce qu'aurait été son attitude dans ces circonstances. Mais par la suite, le régime a visiblement décidé de revenir à la maîtrise autoritaire de ce qui, depuis, tient lieu de vie politique. Il s'est, en quelque sorte, rapproché à reculons, des modèles tunisien et égyptien. Quand Bouteflika s'est imposé, il fit faire un grand pas en arrière à la Constitution en l'amputant d'un principe démocratique cardinal que le texte de 1989 avait soigneusement escamoté mais que son prédécesseur avait introduit : le principe d'alternance au bout de deux mandats présidentiels maximum. Avec le retour providentiel de la prospérité pétrolière, la régression devenait plus facile à conduire parce que plus aisément finançable. Aujourd'hui, la question de la limitation des mandats du chef de l'Etat a remplacé, dans les anciennes républiques bananière et dans certaines “démocraties populaires”, comme la Russie et quelques ex-républiques soviétiques, la question du multipartisme qui fut à l'origine des premières évolutions politiques dans le Sud et à l'Est. Les dictatures “démocratiques” y redoublent d'ingéniosité pour imaginer les subterfuges pour contourner, comme en Russie, le fait accompli constitutionnel de la limitation de mandats ou pour revenir dessus, comme en Algérie. Si en Russie, Poutine, s'est offert un remplaçant de luxe docile pour chauffer le siège jusqu'à son retour, au Sénégal, Wade joue sur l'exégèse d'une réforme qu'il a lui-même fait voter… alors que son premier mandat était entamé. Wade - et son Conseil constitutionnel - invoquent le principe de non-rétroactivité pour qu'il soit le dernier président à pouvoir totaliser trois mandats. Quand on voit les catastrophes que les dictateurs imposent à leur pays et les souffrances qu'ils infligent à leur pays pour se maintenir, il faut croire que le pouvoir est une position à laquelle il est particulièrement difficile de renoncer. La sortie souvent pathétique et coûteuse de ces despotes rappelle la tragédie de la mort : “Pourquoi moi ? Pourquoi déjà ?” M. H. [email protected]