Se chargeant de la mission de réanimer l'Union maghrébine, sans qu'il soit sollicité par aucune des parties concernées, le nouveau chef de l'Etat tunisien donne l'impression de se chercher une occupation pour combler le vide de sa fonction, dont la majorité des prérogatives ont été concentrées par le Parlement entre les mains du chef du gouvernement islamiste. Alors que la Tunisie se débat dans des problèmes en tous genres, notamment sécuritaire et économique, son président, Moncef Marzouki, entame à partir d'aujourd'hui une tournée régionale avec pour objectif de remettre sur les rails le processus d'union maghrébine bloqué depuis plusieurs années. Il faut croire que cette initiative intervient dans un contexte inapproprié car l'Algérie et le Maroc, pays à l'origine du blocage de l'UMA à cause du conflit du Sahara occidental, ont entrepris ces derniers mois des démarches de rapprochement prometteuses. En outre, le nouveau président tunisien, dont les prérogatives sont sérieusement limitées, car concentrées en majorité entre les mains du chef du gouvernement Hammadi Jebali, dont le parti islamiste Ennahda est sorti vainqueur des dernières élections pour une Assemblée constituante, a-t-il les coudées franches pour mener ce genre d'opérations diplomatiques ? On se rappelle encore de sa protestation contre cette situation, en affirmant qu'il ne voulait pas d'une “présidence honorifique”. Par ailleurs, l'on perçoit une sorte de maladresse dans cette tournée, qu'il entame par Rabat avant de rentrer par Nouakchott et Alger, alors qu'il aurait été plus correct, ne serait-ce que par gratitude au soutien en tous genres apportées par l'Algérie à la Tunisie en cette période difficile qu'elle traverse. Il est de notoriété publique que son défunt père, qui a bénéficié de la nationalité de ce pays, est enterré après avoir bénéficié de l'asile durant de longues années. D'ailleurs un recueillement sur sa tombe fait partie du programme de sa visite. Peut-être que les liens affectifs de Moncef Marzouki avec le Maroc ont pesé lourd dans sa décision de débuter sa tournée par le royaume chérifienne. Pour en revenir à la tournée, elle ne risque d'aboutir à quelque chose de concret si elle est envisagée comme une médiation, car Alger a toujours rejeté ce genre de tentatives d'où qu'elles émanent. Rappelons que nombreuses ont été les monarchies du Golfe à avoir essayé. En vain. L'Algérie et le Maroc connaissent parfaitement leurs différends et n'ont besoin de personne pour les aider à les régler. Il leur suffit de se retrouver autour d'une table et de tout mettre à plat pour sortir normalisées leurs relations. Et ce n'est pas un sommet des chefs d'Etat de l'Union du Maghreb arabe, contrairement à ce que pense Moncef Marzouki, qui permettrait “un retour en force” de l'UMA. Donc, cette tournée qui “vise à réanimer l'Union du Maghreb arabe à travers la tenue d'un sommet que la Tunisie se propose d'accueillir”, comme l'a déclaré le porte-parole du président tunisien, Adane Moncer, a peu de chances d'aboutir à des résultats concrets. Un “Maghreb des libertés” dont les ressortissants auront le droit de circuler, résider, investir ou devenir propriétaire, ne se fera qu'avec une réelle volonté politique de tous ses membres, notamment de l'Algérie et du Maroc, principaux obstacles à sa réalisation depuis sa création sur papier en février 1989. En invitant les Maghrébins “à rêver” d'un espace ouvert, sur le modèle de l'Union européenne, Moncef Marzouki donne l'impression de mettre la charrue avant les bœufs. M T