L'émissaire international Kofi Annan, mandaté par l'ONU et la Ligue arabe, a conclu sa mission en Syrie sans parvenir à un accord pour mettre fin à un an de violences, au moment où les forces du régime intensifiaient leur offensive sur la province rebelle d'Idleb, à la frontière syro-turque, et d'autres bastions de la contestation. Dans le même temps, Israël reprenait son pilonnage sur les Palestiniens de Gaza pour disent les observateurs de la scène moyen-orientale desserrer l'étau occidental sur Bachar Al-Assad ! Annan a donc quitté Damas après avoir présenté à ce dernier une “série de propositions concrètes” en vue d'arrêter le bain de sang, mais sur le terrain, la spirale de la violence a fait plus de 120 morts durant ses deux jours de présence à Damas et rien ne montre qu'elle va faiblir. Les violences en un an de révolte réprimée dans le sang ont fait plus de 8 500 morts, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme. On croit savoir que l'ancien secrétaire général des Nations unies, aguerri, avait-t-on dit, aux missions et médiations délicates, a présenté au bourreau de Damas un plan inspiré de l'expérience du Yémen où le président Ali Abdallah Saleh, rejeté par la rue, a fini par accepter de partir au terme d'une crise de 11 mois, en vertu d'un accord de transition lui accordant l'immunité pour lui-même et ses proches. Al-Assad qui bénéficie plus que jamais, de la protection russo-chinoise, pouvait donc rejeter en toute impunité la bouée de sauvetage onuso-arabe. Et comme si cela ne suffisait pas, voilà qu'Israël vole à son secours. La reprise des bombardements contre les Palestiniens de Gaza par Tsahal serait destinée prioritairement aux grandes capitales occidentales pressés de voir Bachar Al-Assad quitter le pouvoir. Le rallumage du feu israélo-palestinien est dans le contexte de la crise en Syrie le signal qu'il faille préserver le régime de Damas pour garantir l'actuelle équilibre régional où Israël est hors de menaces. Et puis pour les faucons de Tel-Aviv, tant que Bachar al-Assad reste à Damas, Téhéran aura encore pied dans la région et constituera l'épouvantail qui sert à la présence des Etats unis dans l'ensemble de la scène moyen et proche-orientale, du Yémen au Golfe arabo-persique. D'où cette crainte de l'enlisement par les insurgés syriens. À la veille d'une réunion cruciale de l'ONU, qui devrait demander pas plus qu'un cessez-le-feu et la permission d'acheminer des vivres et des médicaments aux populations syriennes, le pessimisme a gagné également les Européens, les Américains et les capitales arabes. Paris, Londres, Berlin, Washington, Qatar et Riyad ne s'attendent même pas à un improbable assouplissement de Moscou pour isoler le régime de Bachar El-Assad et faire stopper sa répression féroce. Ces capitales avaient pensé qu'une fois l'élection de Poutine passée, la discussion serait plus consensuelle. Mais leurs supputations ne se sont pas concrétisées, Moscou a rejeté l'idée émise par Qatar via la Tunisie d'accueillir Bachar et sa famille et persiste à bloquer toute résolution exigeant la mise à l'écart de leur protégé. Le chef de la diplomatie française pressé de faire condamner par le Conseil de sécurité le régime de Damas pour présenter la mesure comme un trophée de guerre de son pays et faire remonter la cote de popularité de Nicolas Sarkozy en prévision des élections d'avril et pour lesquelles, il est donné vaincu par son rival socialiste, a confessé que la Syrie l'empêchait de dormir ! À New York, Alain Juppé se démène avec l'Américaine Hillary Clinton, le Britannique William Hague et l'Allemand Guido Westerwelle pour essayer de faire fléchir leur homologue russe Sergueï Lavrov, l'avertissant que le pourrissement de la crise syrienne allait déborder sur d'autres dossiers, comme le conflit israélo-palestinien ou l'arsenal nucléaire de l'Iran. Cette paralysie a baigné un rendez-vous européen à Copenhague. “L'Europe sera bientôt au bout de ce qu'elle peut faire sur le plan des sanctions”, a reconnu un ministre de l'UE en privé. Bachar El-Assad, lui, profite de cet enlisement international pour pousser son avantage. Son régime est visiblement décidé à en finir une bonne fois pour toutes avec l'opposition. Son objectif pourrait être d'offrir ensuite un cessez-le-feu, sur les positions les plus avantageuses. D. B