Après plusieurs heures de tractations, les Russes et les Arabes sont parvenus à un accord minimum concernant la gestion du dossier syrien. A l'issue d'une réunion-marathon destinée à trouver un terrain d'entente sur la crise qui a fait des milliers de morts en un an dans ce pays, les ministres russe et arabes des Affaires étrangères ont d'ailleurs appelé, hier au Caire, à la fin de la violence en Syrie, «d'où qu'elle vienne». Ils se sont mis d'accord sur cinq points, appelant d'abord à «la fin de la violence d'où qu'elle vienne», ont annoncé à la presse les ministres qatari et russe des Affaires étrangères, cheikh Hamad Ben Jassem Al Thani et Sergueï Lavrov. Les participants à cette rencontre du Caire refusent également toute intervention étrangère, appellent à la mise en place d'«un mécanisme de supervision impartial» et à autoriser l'arrivée de l'aide humanitaire sans entraves, a précisé le ministre qatari, qui lisait un communiqué conjoint. Russes et Arabes font enfin part de leur soutien à la mission de l'envoyé de l'ONU et de la Ligue arabe en Syrie, Kofi Annan, qui se trouvait à Damas le même jour. Ces cinq points sont basés sur la résolution de l'Assemblée générale de l'ONU adoptée le 16 février et sur les décisions de la Ligue arabe, ont-ils précisé. «Aujourd'hui, le plus urgent est de mettre fin à la violence, quelle que soit son origine», avait déclaré M. Lavrov avant la réunion avec ses homologues arabes, en jugeant que les forces du gouvernement, tout comme celles de l'opposition, devaient sortir des villes syriennes. Mais si cet accord a le mérite d'exister, il reste cependant très fragile dans la mesure où les pays du Golfe ne s'en contentent qu'à contrecœur. Le Qatar estime en effet qu'un cessez-le-feu est aujourd'hui insuffisant. «Il y a un génocide systématique de la part du gouvernement syrien pendant que nous parlons, en ce moment, de cessez-le-feu», a affirmé cheikh Hamad Ben Jassem Al Thani. Le Qatar veut plus «Nous ne pouvons accepter seulement un cessez-le-feu.» Le ministre a aussi estimé qu'il était temps d'envoyer des forces arabes et internationales en Syrie. L'Arabie Saoudite a pour sa part jugé que le veto opposé par la Russie et la Chine à une résolution onusienne condamnant la répression en Syrie avait permis au régime de Bachar Al Assad de poursuivre les violences. La position des «pays qui ont fait échouer la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU et voté contre la résolution de l'Assemblée générale sur la Syrie a donné au régime syrien un passe-droit pour poursuivre ses pratiques brutales contre le peuple syrien, sans compassion et sans pitié», a déclaré le chef de la diplomatie saoudienne, Saoud Al Fayçal. Au travers de ces déclarations, il apparaît clairement que Doha et Riyad attendent le moindre faux pas de Damas pour durcir leur politique et mettre en œuvre leur projet de renversement du régime de Bachar Al Assad. Lavrov se défend de soutenir le régime De son côté, M. Lavrov a insisté sur le fait que son pays ne «protégeait aucun régime». «Nous protégeons le droit international», a-t-il dit. M. Lavrov, arrivé vendredi au Caire, s'était déjà entretenu avec les ministres des Affaires étrangères d'Arabie Saoudite, du Qatar et du Koweït ainsi qu'avec M. Annan. Membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, la Russie a, rappelle-t-on, déjà bloqué, comme la Chine, deux résolutions condamnant la répression menée par le régime de Bachar Al Assad. Moscou a rejeté, ces derniers jours, un nouveau texte américain au Conseil de sécurité exigeant du régime l'arrêt «immédiat» des violences et appelant l'opposition à «s'abstenir de toute violence» au cas où le pouvoir se plierait aux exigences de cette résolution. Ces discussions russo-arabes sont intervenues au moment où Kofi Annan rencontrait à Damas le président Al Assad, qui a affirmé être favorable à tout effort «sincère» pour résoudre la crise. Mais, a-t-il averti, «tout dialogue ou processus politique ne peut réussir tant qu'il y a des groupes terroristes qui œuvrent pour semer le chaos et la déstabilisation en s'attaquant aux civils et aux militaires». Depuis le début de la révolte, à la mi-mars 2011, les autorités attribuent les violences à des groupes terroristes manipulés, selon elles, par l'étranger. Selon Sana, M. Annan a, de son côté, exprimé son «refus de l'ingérence étrangère dans les affaires de Syrie» et son «espoir de travailler avec le gouvernement pour lancer un dialogue dans le cadre d'un processus politique qui rétablirait la stabilité en Syrie». La mission de M. Annan, qui doit quitter Damas aujourd'hui après des rencontres avec des responsables gouvernementaux et de la société civile, a pour priorités «un cessez-le-feu immédiat», «une solution politique globale» et «un accès et une aide humanitaires», a indiqué le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon.