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Que peut faire la CEDEAO contre le MNLA et les islamistes ?
Le Mali sur la voie de la partition
Publié dans Liberté le 03 - 04 - 2012

Situation de chaos avec d'un côté des indépendantistes et de l'autre des islamistes qui veulent instaurer la charia… Que peut faire la Cédéao ? Et ces rebelles vont-ils souscrire à un cessez-le-feu ?
Isolée sur la scène régionale, la junte qui a fait chuter le président ATT et face au danger de la partition du Mali, a annoncé dimanche le retour à la Constitution et à un pouvoir civil. Le dos au mur, le capitaine putschiste ne pouvait qu'obtempérer à l'ultimatum lancé jeudi par le premier sommet de la Cédéao, d'autant que sur le front nord, la junte a fait face ce week-end à une avancée éclair des rebelles.
À chaque jour une défaite depuis le coup d'Etat. Une situation inédite : l'armée malienne a abandonné tour à tour Kidal, la ville garnison de Gao et Tombouctou ! Première urgence pour la Cédéao: épargner à la capitale le chaos. En effet, il est à craindre que les militaires défaits viennent semer des troubles à Bamako déjà assis sur une poudrière. Les scènes de pillage à Gao et Tombouctou dans les bâtiments publics n'ont pas de quoi calmer les esprits. Contrairement à la ville de Kidal, peu vandalisée, les villes de Gao et de Tombouctou ont été elles entièrement dévastées.
L'assaut contre Gao et Tombouctou a été mené principalement par des groupes islamistes. Selon des témoins, dans ces deux villes, les assaillants scandaient “Dieu est grand, Dieu est grand !” Appareils de transmission, armement, tout cet arsenal venu notamment de Libye, a fait la différence avec l'armée malienne.
Si la prise de Kidal est dans le tableau de chasse de la rébellion touareg du MNLA, la chute de Gao samedi et Tombouctou ce dimanche, est l'œuvre du mouvement islamiste Ansar Dine, qui revendique l'établissement d'un khalifa aux frontières de l'Algérie, au cœur du Sahara sahélien. Par ailleurs, même le mouvement des rebelles touareg indépendantiste du MNLA et ses milices locales arabes, semblent être profondément infiltré par les islamistes. À Kidal, présentée comme la capitale d'un futur Etat des Azawad au Nord du Mali, c'est un certain Iadarali qui règne en maître des lieux.
Cet ex-rebelle touareg, devenu chef d'un mouvement islamiste armé du nom de Ansar Dine, ne cache pas ses objectifs. Dans des vidéos de propagande, on le voit passer les troupes en revue et ensuite diriger la prière. Un de ses lieutenants du nom de cheikh Aouicha explique devant la caméra que leur objectif est l'application de la charia. Jusqu'à la prise de Kidal, Gao, Tombouctou, Ansar Dine se définissait comme un groupe malien, et ne parlait pas d'indépendance, comme les rebelles touareg du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), qui ont participé à la prise de Kidal. Cependant, cette question de khalifa semble ne pas être tout à fait tranchée. Dans la localité de Gao, selon Mohammed Asaleh, maire d'une localité de la région qui a rallié les rangs du MNLA, deux groupes armés se sont partagé les deux camps militaires de Gao. D'un côté, des rebelles qui veulent créer une république sont dans le camp situé à la périphérie de la ville, et des groupes islamistes, qui veulent l'application de la charia, dans le second camp militaire situé au cœur de la même localité.
Dans la ville touristique de Tombouctou, les rebelles indépendantistes cohabitent également avec un groupe islamiste et deux milices locales. Comment faire face à ces situations ? Le sommet de la Cédéao devra y répondre rapidement, avant que le partage ne soit consommé. Le chef de la junte, le capitaine Amadou Sanogo, a envoyé des émissaires dans le Nord pour tenter d'obtenir un cessez-le-feu, sans résultats apparemment. C'est pourquoi, il a fait un pas en avant en s'engageant à rétablir la Constitution et les institutions de la République.
Mais pour autant, le chef de la junte n'entend pas quitter les commandes de l'Etat dans l'immédiat. Sa photo officielle déjà accrochée dans son bureau du camp de Kati, dans une banlieue de Bamako, le leader du putsch a précisé ses intentions : le comité qu'il dirige va nommer, après consultation de tous ceux qui comptent dans le pays, un gouvernement de technocrates chargé de régler la crise au Nord puis d'organiser des élections, un gouvernement de transition. Une solution inacceptable tant pour la médiation burkinabé que pour une bonne partie de la classe politique malienne.
Pour l'heure, la plupart des partis annoncent qu'ils ne transigeront pas avec le respect de la Constitution, à savoir qu'en cas de vacance du pouvoir, l'intérim est assuré par le président de l'Assemblée nationale. Le médiateur burkinabé, le président Compaoré, travaille, lui, à obtenir en douceur le départ du chef de la junte. Néanmoins, aujourd'hui, si une personnalité consensuelle venait à être trouvée, personne ne devra faire la fine bouche.
Outre l'arrêt de l'offensive islamo-MNLA dans le Nord, les chefs d'Etat de la Cédéao ne cachent pas qu'il faille aussi éviter que le capitaine Sanogo donne des idées à d'autres sous-officiers de la région, où les pays sont tout aussi fragiles que le Mali. Pour encourager le chef de la junte malienne après son engagement de rétablir la Constitution et les institutions républicaines, les chefs d'Etat devraient prendre la décision de suspendre les menaces de sanctions, dans l'attente que les putschistes cèdent le pouvoir dans les prochains jours. D'où le partage par la Cédéao de l'objectif des mutins de Bamako d'obtenir un cessez-le-feu au Nord.
D. B


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