“Les Français pensent que le million de pieds-noirs d'Algérie avaient tous quitté le pays en 1962 de peur de se faire zigouiller”, a annoncé Pierre Daum, auteur et journaliste au Monde Diplomatique, lors d'une conférence débat qu'il a animée, avant-hier après-midi, à l'Institut français d'Alger. Pour briser ce faux mythe, le journaliste a mené son enquête. Suite à des recherches approfondies est né l'ouvrage Ni valise ni cercueil. Les pieds-noirs restés en Algérie après l'indépendance (Editions Média-Plus et préface de Benjamin Stora), qui revient notamment sur le nombre de pieds-noirs restés, les accords d'Evian et quinze témoignages. “En France, ils nous ont expliqué que les pieds-noirs n'avaient pas le choix. Ils ont dû partir du pays à cause de la menace ‘la valise ou le cercueil' ”, a expliqué l'auteur. Et d'ajouter : “90% des reportages et documentaires de la presse persistent dans cette idée. Alors qu'en Algérie, tout le monde est au courant que des pieds-noirs sont restés.” Dans le but d'apporter un éclairage sur cette fausse idée reçue, Pierre Daum évoque le film La valise ou le cercueil. “Cette production caractérise ces clichés. J'ai assisté à la projection mais le débat était des jérémiades. Le réalisateur avait annoncé qu'un livre monstrueux venait de sortir.” L'intérêt de Pierre Daum pour la publication de ce livre est de montrer “les possibilités réelles pour rester à travers l'histoire de ces personnes qui ne sont pas parties, et cela en déconstruisant le mythe de la valise ou le cercueil”, a-t-il indiqué. L'idée du livre remonte à cinq ans. Le journaliste devait accompagner un groupe de 130 pieds-noirs à Béjaïa pour revoir le pays. En discutant avec le consul de France à Alger, “j'apprends avec stupeur que de nombreux Européens d'Algérie étaient restés après l'indépendance”, a-t-il raconté. À partir de ce moment précis, il décide de revenir en 2008, pour un reportage (pour Le Monde Diplomatique) qui a provoqué la colère des “associations de pieds-noirs ne supportant pas le fait d'entendre que des personnes de leur communauté étaient restées”. Pour l'écriture de ce livre, le journaliste a élargi son champ de recherches en réalisant un travail d'historien et en fouillant dans les archives. “Le 5 juillet 1962, 400 000 pieds-noirs étaient présents en Algérie. En janvier 1963, il restait 200 000 Européens d'Algérie. Il y a eu un grand exode, mais la minorité est restée, soit 20% sur un million”, a-t-il souligné. Quant à ces menaces, elles n'ont jamais été appliquées, une dizaine de pieds-noirs seulement sont morts à cause de “la délinquance de la faim”. “Ils racontaient en France que des milliers d'Européens ont été assassinés par vengeance, mais c'est faux”, a-t-il insisté. Dans cet ouvrage, quinze témoignages sont rapportés, et dans lesquels on était “étonné” de découvrir la divergence des choix politiques. “Je croyais que ceux qui étaient restés s'étaient engagés au FLN. Mais ils ne sont pas nombreux à l'avoir fait. Ils voulaient une Algérie française. Mais après 1962, ils ont découvert les Algériens et ils se sont réconciliés avec le pays. Par ailleurs, il y a eu une grande adhésion de pieds-noirs à l'OAS, même s'ils n'ont pas de sang sur les mains, ils étaient d'accord”, conclut-il. H M