Le score de Marine Le Pen, qui a recueilli 17,9% des voix au premier tour de la présidentielle en France, n'est pas une exception en Europe, où l'extrême droite progresse. Tour d'horizon. C'est en Suisse quelle est le mieux implantée avec 26,6% des voix. Au Conseil national (Parlement), l'Union démocratique du centre dirigée par Toni Brunner constitue, depuis les élections de décembre 2011, le premier groupe parlementaire avec 54 des 200 sièges. Ce parti xénophobe avait mis en scène, dans des campagnes publicitaires, des moutons blancs chassant un mouton noir étranger, des corbeaux représentant des Roumains et des Bulgares grignotant le drapeau helvétique mais l'image la plus frappante a été une femme en niqab devant des minarets en forme d'ogive nucléaire. À la seconde place, la Norvège dont les fascistes sont crédités de 23% des électeurs. Représenté par 41 sur 169 députés au Parlement, le parti du Progrès a compté pour un temps parmi ses membres Anders Behring Breivik, l'auteur des attentats du 22 juillet 2011 en Norvège (dont 69 jeunes tués sur l'île d'Utoeya) que la classe politique veut classer comme fou pour exorciser les démons ultra-droitiers de leur société. Ce parti populiste anti-immigration a été le grand perdant des élections locales qui ont eu lieu après les actions de Breivick, un Viking allaité par le lait de l'extrême droite anti-musulmane. Un autre pays nordique, la Finlande avec ses 19% de faschos. Le parti des Vrais Finlandais a réussi une percée électorale en avril 2011. Cette formation eurosceptique occupe désormais 39 des 200 sièges au Parlement. La France a rejoint ce Panthéon avec le score de Marine Le Pen dimanche au premier tour de la présidentielle. Les 17,9% des voix et 6,4 millions d'électeurs rassemblés par le parti lepéniste forcent les deux finalistes à se préoccuper de cet électorat, qui constitue la plus importante réserve de voix pour le second tour. Nicolas Sarkozy, le président sortant candidat coiffé dune tête par son rival socialiste, a accéléré le rythme de droitisation de son parti l'UMP qui ressemble déjà sur toutes les questions sécuritaires, identitaires et d'exclusion de l'immigration musulmane au Front national. Au point où c'est la bérézina au sein du parti majoritaire guetté par une inévitable implosion. “Le vote Front national n'est pas répréhensible”, a fait valoir le président-candidat qui précisera aujourd'hui aux Français ses engagements pour que les électeurs du FN sachent qu'il a compris leur message et qu'ils aient la certitude qu'ils seront tenus. François Hollande, candidat de la gauche, probable vainqueur de la finale présidentielle contre Nicolas Sarkozy, affirme pour sa part qu'il ne doit rien céder à l'extrême droite, faisant une distinction entre les électeurs lepénistes qui ont exprimé “une révolte” sans “pour autant faire un vote d'extrême droite” et les autres. Les exemples se multiplient en Europe Un ex-pays communiste, la Hongrie avec 16,6% de sa population embrigadée dans le parti Jobbik (Pour une meilleure Hongrie) qui a fait son entrée au Parlement à l'issue des législatives en avril 2010. Jobbik qui plaide au nom de la préservation de l'identité nationale, pour le retour des valeurs chrétiennes, de la famille et de l'autorité, et qui n'hésite pas à s'affubler de symboles nazis, dispose de 46 sièges sur 386 au Parlement. Un autre pays nordique : le Danemark dont le Dansk Folkeparti (Parti populaire danois) dispose depuis 2011 de 22 des 179 mandats au Folketing (Parlement). Comme les autres partis d'extrême-droite des pays scandinaves, il prône une politique anti-immigration et hostile à l'islam. La Belgique avec ses 12,6 % de xénophobes n'est pas en reste. Le Vlaams Belang (Intérêt flamand), occupe, depuis les élections législatives et fédérales de juin 2010, douze des 150 sièges à la Chambre des représentants, en recul par rapport aux scrutins précédents. Ce parti flamand défend des idées nationalistes, anti-immigration et séparatistes. Un quatrième pays nordique, les Pays-Bas où avec ses 5,9% de voix, le Parti pour la liberté, formation eurosceptique et islamophobe de Geert Wilders, considéré comme le grand vainqueur des élections législatives anticipées de juin 2010, est passé de 9 à 24 des 150 sièges. Depuis, il soutenait le gouvernement minoritaire parti libéral (VVD) de Mark Rutte. Cette coalition gouvernementale a éclaté après l'échec samedi des négociations sur la réduction du déficit public, ce qui devrait se solder de nouveau par des élections anticipées en septembre. Le cinquième pays nordique, l'ex-tolérante Suède a 5,7% des électeurs garnissant les rangs des Démocrates de Suède. L'extrême droite suédoise s'est pour la première fois de son histoire présentée au Riksdag (Parlement), aux élections générales de septembre 2010 et ce parti anti-immigration y a obtenu 20 des 348 mandats lors des législatives de septembre 2010. En Italie, l'extrême droite fait partie du paysage depuis longtemps, elle est sortie de ses bois avec et grâce à Silvio Berlusconi. Au parti populiste et anti-immigré de la Ligue du Nord qui présider la région de Vénétie et ses 350 communes et 14 provinces (au nord du Pô), se sont ajoutés des groupuscules fascistes qui terrorisent les immigrés. En Grèce, après le choléra de la crise financière, la peste droitière. Les mouvements d'extrême droite semblent profiter de la crise économique, sociale, politique et identitaire qui frappe ce pays méditerranéen, 38 ans après la chute de la dictature des colonels (1967-1974). Créditées à 8% dans les sondages, les deux formations qui la composent, Laos et L'Aube dorée, devraient même entrer au Parlement lors des prochaines élections législatives, le 6 mai. L'Aube dorée est bien connue des Grecs: cette formation politique est, en fait, l'émanation d'une organisation paramilitaire qui sévit dans le centre d'Athènes depuis le début des années 2000. Autour de l'église d'Agios Panteleimonas, des miliciens s'en prennent régulièrement à des immigrés. Une exception : l'Espagne Apparemment, un seul pays européen échappe à la montée de l'extrême droite à un niveau national, l'Espagne, où, malgré un terreau de crise économique, aucun parti ne s'est imposé lors des législatives de novembre dernier. En Grande-Bretagne, le Parti pour l'Indépendance du Royaume-Uni est victime du système électoral national qui favorise les grandes formations. Seulement 2 élus à la Chambre des Lords (sur 650) alors que les élections européennes de 2009 (à la proportionnelle) lui ont permis d'obtenir 12 députés sur les 72 britanniques. Son principal cheval de bataille est de faire sortir de leur pays les communautés étrangères dérangeantes. Toutes ces formations ont pour point commun de mettre en avant les risques du multiculturalisme, menant de vraies croisades contre l'Islam. Leurs discours consistent en une dénonciation de l'islam dont les valeurs sont présentées comme incompatibles avec celles des sociétés européennes et dont le pain, les prestations sociales et les aides aux démunis sont accaparés par ses adeptes. Amnesty International a dénoncé dans son dernier rapport les discriminations envers les musulmans dans des pays européens comme la France, la Belgique, les Pays-Bas, l'Espagne et la Suisse, interpellant les gouvernements européens à faire plus pour s'en prendre aux stéréotypes négatifs contre les musulmans, qui attisent les discriminations, essentiellement dans l'éducation et le monde du travail. Plutôt que de riposter à ces préjugés, des chefs de gouvernement les encouragent “bassement dans leur quête de voix électorales”, a estimé Marco Perolini d'Amnesty, faisant certainement allusion au président-candidat français qui s'est jeté dans la fange lepéniste, sans état d'âme et sans retenue. L'UMP est loin, bien loin de 2002, lorsque Jacques Chirac avait catégoriquement rejeté l'idée d'un débat contradictoire avec Jean-Marie Le Pen, arrivé second, derrière lui, au premier tour de la présidentielle. D. B