Les mosquées algériennes sont “sous bonne garde”, nous dit-on depuis des années, pour nous assurer que l'Etat veille au grain et que les vieux démons ne reviendront plus. Pourtant, cette curieuse rencontre que vient d'abriter un lieu de culte à Oum El-Bouaghi, à laquelle ont pris part des centaines de personnes venues de toutes les régions du pays et même de l'étranger, indique clairement qu'“il faut se méfier de l'eau qui dort”, comme le dit l'adage. Pire, la venue d'un prédicateur saoudien dans une ville algérienne pour y tenir conférence et louer les “vertus” du salafisme, sous l'œil bienveillant des autorités, est un signe qui ne trompe pas : l'eau ne dort déjà plus et le déluge est peut-être annoncé. Il est vrai que ce “savant” de Médine a prêché surtout la soumission et l'obéissance aux gouvernants et que, de ce fait, son propos ne pouvait pas déranger les maîtres de la cité. Bien au contraire, face au vent du Printemps arabe, son “enseignement” peut s'avérer un bon brise-vent. Le cheikh wahhabiste l'avoue sans détour : le forcing actuel des salafistes qui décrètent “illicites” les oppositions aux pouvoirs en place dans le monde arabe, a été inspiré par une urgence, celle de contrer, par la religion, les mouvements de contestation qui se sont fait jour dans la région depuis la chute de Ben Ali. Alors que la guerre faisait rage en Libye entre les forces loyales à Kadhafi et l'opposition armée, il arrivait qu'on entende, ici même à Alger, de jeunes paumés dénoncer “ce peuple qui se retourne contre son raïs”, oubliant que c'est une injustice subie par un jeune Tunisien, tout aussi paumé, qui avait provoqué ce mouvement appelé Printemps arabe ! C'est que la salafisme était déjà à l'œuvre dans nos mosquées. Désormais, il semble qu'il bénéficie d'un sponsoring officiel, clandestinement, sans tambour ni trompette. C'est sans doute ce souci de la clandestinité qui a commandé que la conférence se tienne à Oum El-Bouaghi, loin d'Alger, loin des feux de la rampe. On sait pourtant, en Algérie plus qu'ailleurs, que c'est l'instrumentalisation de la religion par le pouvoir, ou avec sa complicité intéressée, qui permet aux extrémistes religieux d'en faire de même, avec de plus grandes capacités de mobilisation car eux ont l'avantage de se battre contre le “taghout” (le tyran). C'est un imam algérien qui le dit : il ne faut pas s'étonner d'assister, bientôt, à la création d'un parti salafiste en Algérie. Et ce parti-là ne demandera pas d'agrément. S. C.