En empruntant son sous-titre au dernier ouvrage de mon ami Abderrezak Hellal, je ne fais en réalité que rendre hommage à un homme de culture avéré. Boulimique autant qu'électron libre, il n'a jamais usé de faux-fuyants, encore moins de délicatesse pour afficher sa différence. Sans oublier sa véhémence, notamment depuis que les pouvoirs dominants ont jeté le cinéma avec l'eau du bain. Dans un pays où, pourtant, la représentation par l'image a contribué salutairement à immortaliser des pans importants de la mémoire collective. Cinéaste et écrivain, Abderrezak Hellal a tenté, dans cette nouvelle publication des éditions Rafar, d'apporter des réponses à une kyrielle d'interrogations en relation étroite avec le rapport du cinéma à l'histoire, la représentation de l'Algérie par le cinéma et la question de savoir comment cinéastes, journalistes, écrivains et chercheurs français ont-ils traité la lutte de Libération ? S'il est permis de paraphraser l'universitaire tunisien Hédi Khelil, il faut reconnaître à cet auteur une certaine détermination à faire figure de défricheur de l'histoire et de réfractaire. A fortiori lorsqu'il soutient que les images n'ont pas à être enrobées de discours, qu'elles n'ont pas à transmettre une moralité, que leur réalité devait émaner non d'une caution référentielle extérieure mais de leur propre matérialité signifiante. Avec la pertinence que nous lui connaissons, Abderrezak Hellal n'a pas manqué de mettre l'accent sur l'exploitation à outrance de l'exotisme en terre algérienne et sur le fait que les dunes, les tempêtes de sable, le minaret, la femme voilée, le caïd aux yeux sanguinaires, la femme blanche prisonnière du harem et Antinéa avant Pépé le Moko, furent trop longtemps de solides et rentables références à un cinéma colonial accommodé aux goûts du jour. Il va sans dire que l'énoncé du livre porte aussi sur la question de savoir comment les cinéastes algériens ont traité leur propre lutte de Libération nationale au lendemain de l'indépendance ? Des centaines de documentaires et des dizaines de longs et courts métrages ont été consacrés à ce sujet. La représentation de l'Histoire du mouvement national par l'image a-t-elle réellement occupé une place privilégiée dans les préoccupations des cinéastes et des appareils idéologiques d'Etat? La réponse de l'auteur de Place de la Régence est loin d'être affirmative. Coincé entre la fiction et la réalité le film algérien, estime-t-il, n'a pratiquement jamais pu, ou su, c'est selon, faire œuvre historique. Surtout lorsque le remodelage du passé à l'image du présent est loin d'être une vue de l'esprit. Tel un couperet, une telle appréciation n'étonne guère de celui qui a lu son pamphlet intitulé Place de la Régence où Abderrezak Hellal relate l'histoire intemporelle d'une contrée appelée “La Régence" où le maître de céans s'arroge tous les droits pour gouverner à sa guise, selon ses appétences. Cupidité, corruption, et passe-droits sont les maîtres mots de sa gouvernance... A. M. [email protected]