Si pour le coup tous les partenaires sociaux sont d'accord pour organiser les marchés et liquider progressivement l'informel, le poids des lobbies dans le commerce a fait reculer pour le moment les pouvoirs publics." Un été et un ramadhan vécus difficilement par les citoyens du fait des hausses de prix conjuguées à des coupures de l'électricité et à la généralisation sans précédent des pratiques commerciales informelles, feront-elles de cette rentrée sociale 2012 une rentrée de tous les dangers. C'est sans doute du fait de ces craintes nourries par le trend haussier de l'inflation que l'UGTA a récemment proposé des mesures de protection du pouvoir d'achat dans un mémorandum relatif au pouvoir d'achat des salariés préparé conjointement avec le CNES. De son côté l'UGCAA qui regroupe les commerçants s'est invité dans ce débat en considérant,contrairement à une idée reçue, que la prolifération des pratiques commerciales informelles est un des facteurs de détérioration du pouvoir d'achat. Le Gouverneur de la Banque d'Algérie va dans le même sens en notant que les facteurs d'inflation sont dus essentiellement à la spéculation et à l'augmentation des prix internationaux. Considérant au passage que la Banque d'Algérie, en prenant deux mesures d'assèchement de la masse monétaire le premier semestre 2012, a assuré sa « mission de veiller à la stabilité des prix en tant qu'objectif de la monétaire » (article 35 de l'ordonnance d'août 2010 relative à la monnaie et au crédit »). Un segment du patronat, le forum des chefs d'entreprises (FCE) a fait aussi une incursion en avançant l'idée d'un soutien des prix ciblé vers les seuls détenteurs de faibles revenus au lieu du soutien actuel généralisé sans distinction. On voit alors apparaître ici et là les quatre problématiques lourdes dont le niveau de prise en charge me semble de nature à déterminer la maîtrise (ou non) de l'inflation et la sauvegarde (ou non) du pouvoir d'achat des salariés. Il s'agit de la question salariale, de la question budgétaire du soutien des prix à la consommation, de la question de l'informel et de l'organisation des marchés et de la question monétaire et fiscale. Eléments d'éclairage. Le traitement de la question salariale dispose certes d'outils et de mécanismes de négociation entre les partenaires. Mais la difficulté résidera dans l'étroitesse des marges de manœuvres des employeurs : restriction budgétaire pour la fonction publique et insuffisance , à de rares exceptions, de cash flow dans les entreprises privées et publiques. Face à cela l'UGTA et les syndicats autonomes défendront, a minima, la revendication classique de l'échelle mobile de salaires indexée sur une inflation qui frôle les deux chiffres. L'idée défendue étant qu'il s'agit simplement de sauvegarder le pouvoir d'achat, à défaut de l'améliorer. La question de la politique du soutien de prix est plus complexe. Il faut rappeler que le mécanisme budgétaire de soutien des prix avait disparu au profit de la mise en place notamment du filet social. Deux chiffres témoignent de ce retour en force du soutien des prix : l'enveloppe budgétaire est passée de 11,3 milliards DA en 2006 à 278,2 milliards DA en 2011. Compte tenu du déficit budgétaire prévu pour 2012 et du trend de cette dépense budgétaire la soutenabilité de cette dernière est aléatoire à moyen terme. Cela d'autant que cela engendre du gaspillage et une fuite des produits aux frontières du fait des prix relatifs. Peut-on alors, comme le suggère le FCE aller vers des formules de ciblage en direction des couches d défavorisées ? L'UGTA ne veut pas en entendre parler. Troisième question : celle de l'informel et de la transparence des marchés. Si pour le coup tous les partenaires sociaux sont d'accord pour organiser les marchés et liquider progressivement l'informel, le poids des lobbies dans le commerce a fait reculer pour le moment les pouvoirs publics. Il faudra s'attaquer à cette problématique. Le plus tôt serait le mieux. Dernière question et non la moindre la question monétaire et fiscale. Pour l'aspect monétaire la BA a notamment remonté le seuil des réserves obligatoires des banques pour éponger une partie de la masse monétaire en circulation. On verra si c'est suffisant. S'agissant de la fiscalité hors hydrocarbures comme source de financement, notamment des transferts sociaux, force est de constater que celle relative aux revenus et aux bénéfices est faible avec moins de 5% du PIB. A cette faiblesse de l'impôt direct s'ajoute un manque d'équité fiscale puisque la contribution de l'IRG des salariés à la fiscalité directe a représenté 55,4% en 2011. C'est ce qui explique la demande par les syndicats d'une baisse de l'IRG salarial. En conclusion, pour cette rentrée sociale, il y a du pain sur la planche comme le disait le nouveau premier ministre. Il ne croyait pas si bien dire. M. M.