Hichem Aboud, propriétaire des deux journaux saisis samedi soir pour avoir donné des informations sur l'état de santé du chef de l'Etat, fait l'objet d'une information judiciaire pour “atteinte à la sécurité de l'Etat, l'unité nationale et à la stabilité et au bon fonctionnement des institutions". Les faits reprochés à Hichem Aboud sont graves et surtout sortent du cadre du simple délit de presse. Les deux éditions, l'une déclinée en arabe et l'autre en français, ont été interdites implicitement de tirage, après que le directeur de publication eut refusé de supprimer les deux pages traitant du sujet, comme l'exigeait le ministère de la Communication. Alors pourquoi ces poursuites, du moment que ces journaux n'ont pu être distribués et vendus ? En fait, ce qui a dérangé et exaspéré, ce sont les déclarations de Hichem Aboud, concernant sa mésaventure, sur France 24. Quelles qu'en soient les raisons, force est de constater la promptitude du parquet à s'autosaisir de cette affaire dès le lendemain, alors qu'il est resté souvent passif devant les révélations de la presse et les déclarations de certaines personnalités politiques sur la corruption. On se rappelle notamment l'épisode de Abou Djerra Soltani lorsqu'il avait affirmé détenir des dossiers relatifs à la corruption. “Nous avons des dossiers sur des gens impliqués, parmi eux certaines hautes personnalités. Nous prendrons le temps de remonter la chaîne, après quoi, nous remettrons nos dossiers et conclusions à qui de droit", avait-il martelé à plusieurs reprises. À cette époque, une source judiciaire a rétorqué, sous le couvert de l'anonymat, qu'il n'appartenait pas à la Cour suprême de s'autosaisir, parce que cette tâche incombait au procureur général près la cour d'Alger, à condition que Soltani transmette les dossiers en sa possession et communique des noms. Tout au long de ces années caractérisées par un foisonnement sans précédent d'affaires de corruption, de malversation et de détournement de deniers publics, la justice s'est illustrée par très peu d'autosaisines. La dernière en date concerne un scandale qui a fait déjà l'objet d'ouverture d'enquête judiciaire dans plusieurs pays, dont l'Italie et le Canada. La partie ne se jouait plus à l'intérieur. Ce qui a contraint sûrement la justice algérienne à réagir. En effet, le parquet d'Alger a ordonné, le 10 février 2013, le déclenchement d'une enquête sur une éventuelle affaire de corruption liée à des contrats conclus entre le géant énergétique italien, ENI, et la compagnie pétrolière nationale, Sonatrach. Le déclenchement de l'action publique suivait l'ouverture d'une enquête sur la même affaire par le parquet de Milan. Le procureur général d'Alger a certifié, dans un communiqué, que “l'information judiciaire connaîtra, sans nul doute, une cadence accélérée dès la réception des résultats des commissions rogatoires internationales par le juge d'instruction et la convocation ou l'émission de mandats de justice à l'encontre de toute personne impliquée sera requise". Pour rappel, la justice italienne enquête, depuis février 2011, sur 8 contrats d'un montant de 14 milliards de dollars obtenus par Saipem entre 2007 et 2009 en Algérie, à l'époque où le secteur était dirigé par Chakib Khelil. Ce dernier est soupçonné, par les enquêteurs du parquet de Milan, d'avoir, entre autres, touché des dizaines de millions de dollars sur les 264 millions versés par Saipem à Pearl Partners Limited. Mais le parquet d'Alger ne s'est saisi de cette affaire que début 2013. Une affaire qui ne connaîtra certainement pas son épilogue avant la présidentielle du printemps 2014. N H Nom Adresse email