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La tripartite voudrait le dynamiser
Le bilan décevant du Fonds national d'investissement
Publié dans Liberté le 20 - 11 - 2013

Une des principales décisions, et certainement l'une des moins attendues de la dernière tripartite du 10 octobre dernier, a consisté en l'annonce de la constitution d'un groupe de travail chargé de "proposer les modalités de contribution du Fonds national d'investissement (FNI) au financement de l'investissement national public et privé".
C'est un retour du FNI sur le devant de la scène économique où son action, bien que très loin d'être négligeable, est restée, au cours des dernières années, entourée d'un grande discrétion et semble surtout, dans la période la plus récente, marquée par un tassement de ses activités qui a déçu les nombreux espoirs placés dans cette jeune institution. Salué lors de sa création en février 2009 comme le «fonds souverain algérien», que beaucoup de professionnels appelaient de leurs vœux, une terminologie récusée par le ministre des Finances, Karim Djoudi, le FNI a été doté, dès son origine, d'un capital conséquent de 150 milliards de dinars (1,5 milliard d'euros) auquel s'est ajoutée une dotation supplémentaire de 75 milliards de dinars décidée par la LFC 2010.
Pour les responsables économiques algériens, le rôle premier de ce fonds d'investissement d'Etat est d'être l'instrument privilégié de la "politique de l'offre" mise en œuvre par les pouvoirs publics à travers l'encouragement des secteurs identifiés comme stratégiques et porteurs de croissance. Une vocation qui l'éloigne a priori de la définition usuelle des fonds souverains et le rapproche davantage des modèles de la Caisse de dépôts française ou de la CDG marocaine.
Le secteur public d'abord
Les premières activités du FNI, entamées depuis maintenant plus de 4 années, ont déjà entraîné la mobilisation de près de 2 milliards d'euros de fonds propres. C'est ainsi que l'institution a contribué, dès 2009, aux programmes d'investissement de nombreuses entreprises publiques. Cette préférence pour le secteur public s'exprime essentiellement par des injections massives de capitaux dans un certain nombre d'entreprises réputées stratégiques.
Le processus a été engagé dès juillet 2009 avec un des enfants chéris des pouvoirs publics algériens, le groupe des cimenteries publiques Gica, à qui on a attribué un prêt d'un montant de 180 milliards de dinars à échéance de plus de 20 ans. En contrepartie, l'objectif assigné au secteur est de porter la production annuelle de 11 millions de tonnes actuellement à 18 millions de tonnes en 2014. Les interventions les plus importantes du FNI ont concerné en outre le renouvellement de la flotte d'Air Algérie et, plus récemment, l'ambitieux programme de développement du champion national de l'industrie pharmaceutique, Saidal, qui doit se traduire par des prêts à long terme estimés à plus de 100 milliards de dinars. Plus récemment encore on apprenait que le FNI allait financer l'acquisition de 2 nouveaux ferrys par l'ENTMV, moyennant un crédit de 30 milliards de dinars.
La liste est loin d'être exhaustive et constitue d'ailleurs à l'heure actuelle un secret bien gardé. Les conditions préférentielles accordées par le FNI à ces grandes entreprises publiques, qui en ont jusqu'ici été les bénéficiaires exclusives, se traduisent par des prêts à échéances beaucoup plus longues (au moins 20 ans en général) que celles pratiquées par les banques commerciales, ainsi que des taux d'intérêt fortement bonifiés.
De Cosider à AXA et Tonic...
En marge de ces nombreuses actions de financements de quelques unes des plus grandes entreprises publiques réalisées avec une certaine discrétion, le FNI a surtout été projeté sur le devant de la scène économique nationale en raison de prises de participation spectaculaires dans des entreprises publiques et privées. C'est ainsi qu'on a appris, dès novembre 2009 , que la contribution du FNI au plan de croissance de Cosider, première entreprise de travaux publics du pays dont le développement est «couvé» par les pouvoirs publics, se traduirait par la substitution pure et simple du fonds d'investissement public aux anciens actionnaires qu'étaient la BEA et le holding public du secteur. Le FNI est ainsi devenu, à la suite de cette opération unique en son genre jusqu'à présent, le propriétaire et l'actionnaire unique de Cosider, spa moyennant un investissement de 4 milliards de dinars.
Cette première prise de participation a été suivie par l'intervention du FNI, aux côtés de la BEA et du groupe AXA, dans l'accord de partenariat qui a permis au numéro un mondial de l'assurance de s'installer en Algérie. Il s'agit de la première prise de participation du FNI dans le capital d'un projet d'investissement réalisé en partenariat avec une entreprise étrangère. Le fonds public dispose d'une minorité de blocage de 30% dans les 2 filiales de la nouvelle société dans lesquelles elle a investi environ 1 milliard de dinars.
Un peu plus tard, et toujours dans le secteur de l'assurance, dont le retard du développement inquiète les autorités financières algériennes, le FNI était également appelé a participer au tour de table de Taamine life Assurance, la filiale de la CAAT, spécialisée dans les assurances de personnes, dont elle détient 30% du capital. En 2009, Le FNI avait en outre été l'instrument majeur d'un plan de sauvetage du papetier privé Tonic Emballage, en situation de faillite.
Un dossier empoisonné qui avait conduit à l'incarcération des anciens propriétaires de l'entreprise ainsi que de plusieurs banquiers. L'intervention du FNI permettait tout d'abord de faire tourner à nouveau les machines d'un complexe de création récente qui employait plus de 4 000 personnes. Elle avait en outre l'avantage de soulager la BADR, une des six banques publiques du pays, qui avait injecté, au mépris des dispositions prudentielles légales, le montant colossal de 65 milliards de dinars (650 millions d'euros) dans l'entreprise.
Bien que fortement médiatisées, ces différentes opérations ne représentent finalement qu'un montant financier relativement modeste, et pour beaucoup d'observateurs, le FNI n'a pas vraiment brillé dans ce domaine par son dynamisme. Le montant de ses prises de participation ne totalise actuellement qu'environ 7 milliards de dinars (moins de 70 millions d'euros) soit à peine un peu plus de 1% du bilan de l'institution.
Quand le FNI oublie les PME privées
Pourquoi le FNI ne serait-il pas à l'image de nombreux fonds d'investissement internationaux, dont certains sont d'ailleurs présents en Algérie où ils participent au capital de nombreuses entreprises privées parmi les plus dynamiques, un instrument de développement de la PME algérienne ? Le principal sujet de controverse au sujet du Fonds national d'investissement concerne en effet certainement aujourd'hui sa contribution au développement du secteur privé national. La plupart des informations disponibles indiquent clairement que les ressources du fonds ont été pour l'essentiel consacrées au financement des entreprises publiques dans le cadre de la priorité franche réservée à ces dernières par les orientations de l'Exécutif.
Les statuts du FNI prévoient pourtant clairement qu'il finance "le développement de l'investissement productif" aussi bien des entreprises publiques que des entreprises privées. Des voix se sont déjà élevées, bien avant la dernière tripartite, au sein des associations patronales ainsi que dans le secteur bancaire privé, qui réclament une contribution plus active du FNI à la dotation des entreprises privées nationales en fonds propres ou sous forme de prêts à long terme. Cette intervention du fonds public serait pour beaucoup d'opérateurs de nature à stimuler le développement de nombreuses entreprises privées en leur permettant de grandir en proposant des projets «bancables» aux institutions financières classiques.
C'était d'ailleurs l'objectif de l'instruction donnée par un célèbre Conseil des ministres réuni en février 2011. Il enjoignait pour la première fois au Fonds national d'investissement d'intervenir sous forme de prise de participation dans le capital d'entreprises privées jusqu'à hauteur de 34%. Malheureusement, et bien qu'aucun bilan ne soit pour l'instant disponible, on n'enregistre encore à notre connaissance qu'un nombre insignifiant de dossiers traités. C'est sans doute dans cette direction que le groupe de travail constitué à l'issue de la dernière tripartite devrait orienter sa réflexion et ses propositions qui sont attendues avec intérêt.
H. H.
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