La gestion pharmaceutique est-elle toujours menée de manière à s'assurer que l'arsenal thérapeutique qui doit pouvoir répondre à toutes les pathologies rencontrées est disponible au moment où le patient en a grandement besoin ? Cette problématique posée par les nombreux spécialistes lors des 2es journées sur la pharmacie organisées au CHU de Tizi Ouzou a révélé d'innombrables lacunes qui rendent le défi difficile à relever. La première conclusion révèle, sans surprise, que ce sont les produits pharmaceutiques nécessaires dans les thérapies lourdes et dans les cas de pathologies rares qui sont les plus difficiles à prendre en charge. À ce titre, le Dr K. Reggabi du CHU Frantz-Fanon de Blida a notamment mis l'accent sur l'inefficacité du système d'acquisition des médicaments soumis à autorisation temporaire d'utilisation, appelés dans le jargon médical les ATU. Selon le même docteur, "pour réceptionner la commande d'un médicament dans ce cadre il faut suivre un processus qui dure 913 jours". Ce qui donne au malade tout le temps nécessaire pour changer de monde. Ce délai exorbitant s'explique, selon les précisions du médecin, par les contraintes administratives, le manque de transmission de l'information, la méconnaissance de l'existence des ATU au sein des CHU, la différence des données entre celles des pharmacies et des services, ainsi que le problème d'archivage des données. Le médecin en question pointe également du doigt les textes réglementaires et législatifs en la matière qui manquent d'exhaustivité et, parfois, non publiés. Lors de son intervention, le Pr Ziri, directeur général du CHU Nedir- Mohamed de Tizi Ouzou, a donné, quant à lui, un aperçu financier assez explicite sur les difficultés auxquelles est confrontée la gestion de la pharmacie hospitalière. De son exposé, il en ressort que le budget de celle-ci ne cesse de progresser, mais qu'il est de plus en plus amputé de sommes colossales consacrées à la prise en charge de maladies rares ou orphelines. Si le budget de la pharmacie hospitalière de Tizi Ouzou est passé de 1,5 milliard de dinars en 2010 à 2,4 milliards de dinars en 2013, le coût de la prise en charge des maladies orphelines et rares, qui varient entre l'hémophilie, la maladie de Wilson, la cystinose et le déficit immunitaire, a atteint les 10% du budget de la pharmacie. Ce qui ne manque pas d'influer sur la disponibilité des autres produits. Rien que 20 personnes atteintes de maladies orphelines coûtent 22 milliards de centimes, précise le Pr Ziri. Dans le rapport, il est fait état de l'existence de 119 malades nécessitant un traitement spécifique. "Il n'y a aucun texte réglementaire spécifique à ces maladies ou à la gestion des produits pharmaceutiques y afférents. Or l'idéal, c'est qu'il y ait un budget spécifique pour cela", déplore le DG du CHU. Il y va sans compter le fait que certains services sont budgétivores plus que d'autres et, parfois, pour obtenir de maigres résultats à la fin. En effet, selon les chiffres du Pr Ziri, le service d'oncologie de l'hôpital engloutit, à lui seul, 50% du budget de la pharmacie hospitalière, suivi du service d'hématologie avec 24% du budget. Pour quel impact ? Le service d'oncologie engloutit plus de 703 millions de dinars du budget de la pharmacie, mais ceci reste insignifiant dans la prise en charge des cancéreux à Tizi Ouzou comme sur tout le reste du territoire national. En ce sens, le chef de service oncologie, le Pr Ferhat, a révélé que 20 000 cancéreux décèdent chaque année en Algérie faute de leur prise en charge. "Le système de santé en Algérie ne permet la prise en charge que de 8 000 cancéreux par année", a-t-il déclaré, considérant que "c'est un drame national qui exige un effort considérable à tous les niveaux." En résumé, les intervenants estiment que le processus, qui conduit à la disponibilité de l'arsenal thérapeutique dans les pharmacies hospitalières en Algérie, nécessite encore de grandes améliorations pour répondre aux exigences de l'heure. S L Nom Adresse email