L'arroseur arrosé. Recep Tayyip Erdogan n'a plus sa superbe et voilà qu'il recourt à la main de l'étranger comme un vulgaire autocrate pour expliquer sa déconfiture. Il jurait sur la morale islamiste et tutti quanti pour être pris la main dans le sac de la corruption. Il a même fait voyageur de commerce en Algérie pour essayer de vendre son modèle de démocratie garanti du sceau de l'Islam. Hélas pour lui, son modèle n'est pas plus parfait et n'a pas été à l'abri des affaires. Vendredi 27 décembre, à Istanbul, la police a dispersé des manifestants réunis sur la place Taksim, ils réclamaient la démission de leur premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, dont le gouvernement est mis en cause dans plusieurs affaires de corruption. Ces dernières ont conduit à de nombreuses arrestations dans l'entourage de certains de ses ministres, qui ont, depuis, démissionné. Ce scandale politico-financier a pour origine une enquête à plusieurs facettes, lancée par le bureau du procureur d'Istanbul il y a plus d'un an pour corruption, fraude et blanchiment d'argent. Premier volet des investigations : des ventes illégales d'or de Turquie vers l'Iran, malgré l'embargo international auquel est sujet Téhéran. Organisateur, la Banque publique turque Halk Bank, dirigée par Suleyman Aslan, proche de l'AKP au pouvoir depuis onze années. La banque a catégoriquement démenti ces informations. L'enquête révèle les interventions de fils de deux ministres (le ministre de l'Intérieur, Muammer Güler, et celui chargé de l'Economie, Zafer Caglayan), qui devaient démissionner. Ils sont rejoints par le ministre des Affaires européennes, Egemen Bagis, remercié lors du dernier remaniement gouvernemental. Les enfants de ces ministres appartenant à l'AKP, ont été inculpés et placés en détention. Deux autres enquêtes ouvertes visent des malversations et des irrégularités commises à l'occasion d'appels d'offres publics immobiliers. La première soupçonne Abdullah Oguz Bayraktar, le fils du ministre de l'Environnement démissionnaire, Erdogan Bayraktar, et plusieurs responsables du même ministère d'avoir vendu des permis de construire contre des pots-de-vin versés par des patrons d'entreprises de bâtiment comme le magnat turc du BTP Ali Agaoglu. Le seconde vise directement le maire du très religieux district stambouliote de Fatih, Mustafa Demir, membre du Parti de la justice et du développement (AKP) d'Erdogan, accusé d'avoir accordé des permis de construire contre rétribution dans une zone interdite à cause de la construction du tunnel ferroviaire sous le Bosphore. La plupart des personnes mises en cause ont été inculpées, mais laissées en liberté. Les procureurs d'Istanbul ont procédé la semaine dernière à une deuxième vague d'arrestations pour des malversations liées à des marchés immobiliers, mais la trentaine de mandats délivrés à la police judiciaire n'ont pas été exécutés, sur intervention d'Erdogan. Le président turc, Abdullah Gül, cofondateur de l'AKP, plus en retrait dans ce scandale, a assuré ses concitoyens que si corruption il y a, elle ne peut être étouffée. Compagnons de route depuis 20 ans et cofondateurs de l'AKP en 2001, Erdogan et Gül affichent des différences de style depuis la fronde anti-gouvernementale de juin, même s'ils évitent soigneusement toute confrontation. Le chef de l'Etat se pose en unificateur à l'orée du scrutin présidentiel d'août qui doit se tenir pour la première fois au suffrage universel pour lequel les deux hommes n'ont pour l'instant pas déclaré leur candidature. D. B. Nom Adresse email