Le vaste scandale de corruption qui a touché l'entourage du Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a provoqué la démission des ministres de l'Intérieur, Muammer Güler, de l'Economie, Zafer Caglayan, et de l'Environnement, Erdogan Bayraktar qui ont dénoncé un «complot» visant à déstabiliser le gouvernement tout en appelant le Premier ministre à démissionner de son poste. M. Bayraktar a déclaré qu'il «démissionne de son poste de ministre et de député», invitant M. Erdogan à présenter également sa démission. Ces trois hommes sont au cœur du scandale financier qui agite la Turquie, leurs fils faisant partie des 24 suspects inculpés et placés en détention au cours du week-end à Istanbul. Ils avaient été arrêtés par la police le 17 décembre, lors d'opérations spectaculaires, dans le cadre d'une vaste enquête d'anticorruption qui fait trembler l'élite au pouvoir. Parmi ces personnes figure aussi le patron de la banque publique, Halk Bankasi Suleyman Aslan, des hommes d'affaires et le maire du district stambouliote de Fatih, Mustafa Demir, membre du Parti de la justice et du développement (AKP), au pouvoir. Les inculpés sont soupçonnés de corruption, de fraude et de blanchiment d'argent dans le cadre de trois enquêtes liées à des marchés publics immobiliers et de transactions d'argent et d'or entre la Turquie et l'Iran sous embargo. Après une grande vague de contestation sans précédent qu'a connue la Turquie durant les mois passés, M. Erdogan est, cette fois, contesté dans son propre camp, par la confrérie Gülen sur laquelle il s'était jusque-là appuyé pour conquérir et fortifier son autorité et se débarrasser de l'influence politique de la puissante armée, gardienne des principes laïques. Longtemps larvée, cette guerre fratricide se joue désormais sur la place publique et pourrait modifier la donne politique nationale, à l'orée des élections municipales et présidentielle prévues en 2014. L'enjeu est d'autant plus important pour le Premier ministre que ce scrutin local, où son parti faisait figure de grand favori, doit lui servir de tremplin pour l'élection présidentielle de l'été 2014.