Le Forum des chefs d'entreprise n'a pas pu se réunir, hier, pour répondre à la sommation de se définir par rapport à l'élection présidentielle. Dans huit jours, il devra tenter de réunir le quorum qu'il n'a pas pu réaliser cette fois-ci. D'ici à une semaine, on ne le saura donc pas : on ne saura pas si le FCE est pour une candidature de Bouteflika à un quatrième mandat ou non. En fait, ce qu'on ne saura pas, c'est si le forum a été instruit d'appeler à un quatrième mandat, s'il devait soutenir ce quatrième mandat ou s'il soutiendrait Bouteflika au cas où celui-ci déciderait de briguer un quatrième mandat. Parce que le soutien n'est plus ce qu'il était, la situation ayant introduit des nuances dans la manière d'appuyer la décision du Président de se succéder à lui-même. L'alignement franc et massif, "ça c'était avant", comme le dit la pub. Pourtant, la composante du principal club algérien de patronat n'a pas dû beaucoup varier depuis 2009, voire même depuis 2004. En tout cas, le leadership du patronat n'a pas trop changé. Mais les temps, eux, ont changé : ces jours-ci, les propres ministres de Bouteflika, quand ils osent s'exprimer, ou quand ils sont contraints de s'exprimer sur le quatrième mandat, y vont de leur petite nuance personnelle. Ah ! Ce bon vieux temps où l'on se poussait du coude pour être au premier rang de ceux qui en redemandent. La feuille de route, c'était du papier à musique : les institutions politiques, l'UGTA, puis le FCE. Dans l'ordre protocolaire de la tripartite. Après, c'était le tour des organisations et des centres d'intérêt "annexes". Ce rendez-vous politique raté du forum illustre les travers de la vie publique nationale : les positions sont presque exclusivement déterminées par le niveau d'autoritarisme et sa capacité à l'exercer. En 2009, le soutien du FCE au troisième mandat était acquis dès le 29 janvier, et le 23 février, il organisait un déjeuner où ses membres devaient concrétiser financièrement leurs soutiens respectifs à la campagne électorale. Ce qui fut fait, dans une mémorable surenchère de donateurs, organisée pour faire pression sur les réticents. Mais, cette fois-ci, le pouvoir ne semble pas être en position d'agiter la menace tacite de représailles et les adhérents ont pu, individuellement, estimer qu'un forum d'entrepreneurs n'a pas vocation à traduire une position collective autour d'une compétition politique. Si le soutien n'est plus ce qu'il était, c'est que la situation politique n'est plus ce qu'elle était. L'incertitude qui règne autour de la candidature de Bouteflika et autour de l'état d'un régime souffrant de graves affrontements internes ne pouvait que provoquer l'hésitation générale du monde "clientélisé" des acteurs publics. Cela était prévisible surtout de la part de personnes qui savent ce qu'investir veut dire. Le moins que puisse faire le forum est de se donner le temps de vérifier d'ici le 23 février — date de la réunion de la tripartite — si l'ultimatum émanait du candidat ou de simples lobbies d'un hypothétique quatrième mandat. Les incertitudes du moment ont ceci de pédagogique : la culture de l'obédience nous a appris à reconnaître le gagnant avant de nous prononcer sur la partie qui se joue. Dans une telle société, même un forum, par définition conçu pour abriter le libre débat, a besoin d'une prescription autoritaire de ses positions. M. H. [email protected] Nom Adresse email