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L’Espagne meurtrie
Publié dans Liberté le 13 - 03 - 2004

199 morts et 1 430 blessés dans de sanglants attentats sur le rail espagnol
Carnage à Madrid
Une dizaine d’explosions, jeudi matin, dans plusieurs trains de banlieue dans les gares de la capitale espagnole, ont fait le plus lourd bilan des attentats terroristes dans ce pays.
À trois jours des élections législatives, prévues demain, l’Espagne a été plongée dans l’horreur. Sans prévenir, les terroristes ont frappé très fort. Le bilan, qui augmentait de façon vertigineuse au fil des heures, s’est stabilisé à 199 morts et plus de 1 430 blessés. Son ampleur renseigne sur la gravité de ces attentats. Jeudi, 7h30 du matin, plusieurs trains transportant travailleurs et étudiants espagnols sont secoués par des déflagrations. Dix au total. Trois autres bombes ont été désamorcées par les services de sécurité espagnols. La gare madrilène de Puerta Atocha a été la plus touchée. Un véritable branle-bas de combat s’ensuit alors pour secourir les victimes. Des images insoutenables de souffrance s’offrent aux yeux des secouristes et des témoins. Des corps ensanglantés, inertes, gisent un peu partout aux alentours des wagons de trains touchés par les explosions. Les blessés sont rapidement pris en charge par les services sanitaires immédiatement mobilisés pour la circonstance. Triste fin de parcours pour le Président du gouvernement espagnol, qui s’apprêtait à quitter ses fonctions après deux mandats successifs une fois les élections législatives terminées. Apparaissant à la télévision très affecté, José Maria Aznar a demandé au peuple espagnol de se mobiliser contre ce fléau qui nuit énormément à son pays. La réaction a été immédiate avec des manifestations spontanées dans plusieurs villes. Hier, des rassemblements d’envergure ont eu lieu à travers toute l’Espagne pour montrer la condamnation unanime du terrorisme. Une fois la stupeur passée, les doigts accusateurs se sont dirigés vers l’organisation séparatiste basque ETA. La matière utilisée dans la confection des bombes, dynamite, a renforcé cette l’hypothèse. D’ailleurs, le ministre espagnol de l’Intérieur n’a guère hésité à faire porter le chapeau à cette organisation terroriste, dont les nombreux attentats ont, à plusieurs reprises, endeuillé l’Espagne. La branche politique Batasuna de cette mouvance n’a pas tardé à se laver les mains de ce massacre, qui n’est pas dans ses habitudes, a affirmé un porte-parole de l’ETA. Mieux, elle a même condamné, pour la première fois, les attentats. Selon les observateurs, les séparatistes basques ont toujours averti avant de frapper, ce qui est loin d’être le cas cette fois-ci. En effet, la surprise était totale pour les Espagnols, y compris les officiels. La piste islamiste, notamment Al-Qaïda, n’est pas entièrement écartée par les enquêteurs. La cassette de versets du Coran et les sept détonateurs retrouvés dans une voiture dans la capitale espagnole n’ont pas pour autant convaincu les enquêteurs du sérieux de cette piste. Certains estiment qu’il s’agit là d’une tentative de brouiller les pistes. Idem pour la revendication parvenue au bureau du journal Al-Qods Al-Arabi signée Al-Qaïda, car il a été impossible de l’authentifier. On attend encore d’avoir en sa possession plus d’éléments d’information pour mieux orienter les recherches. Il ne faut pas oublier que les dirigeants d’Al-Qaïda ont menacé de représailles tous les pays qui s’étaient alliés avec les États-Unis dans l’invasion de l’Irak, et l’Espagne en fait partie. Des soldats espagnols sont toujours stationnés en Irak.
K. ABDELKAMEL
L’Algérie condamne “de la façon la plus vigoureuse�
Le Président Abdelaziz Bouteflika a condamné jeudi “de la façon la plus vigoureuse� les attentats en Espagne, dans un message au roi Juan Carlos. M. Bouteflika, qui a appris avec “effroi la terrible nouvelle des lâches attentats�, souligne que “la coordination� et “l'heure choisie (...) attestent d'une préméditation criminelle de la part de personnes ayant perdu toute humanité�. Le chef de l'État condamne “ces nouvelles manifestations de terrorisme abject qui frappe un peu partout dans le monde�, présentant ses “sincères condoléances� au souverain espagnol. “En ces moments tragiques, le peuple algérien, qui a eu à souffrir dans sa chair des affres du terrorisme, se sent très proche du peuple espagnol auquel il tient à témoigner sa solidarité et son soutien�, conclut M. Bouteflika.
La question indépendantiste revient au-devant de la scène
La plaie basque
Le mouvement indépendantiste ne désespère pas de voir un jour la région, qui s’étend au nord-est de l’Espagne, se séparer de l’État central.
Les sanglants attentats qui ont secoué la capitale espagnole viennent de remettre au-devant de la scène la problématique de la question basque, même si la responsabilité des nationalistes issus de cette région, regroupés notamment autour de l’ETA, n’est pas établie.
C’est dire que l’Espagne continue à traîner depuis déjà plusieurs décennies ce problème comme un véritable boulet qui pèse de tout son poids sur la sécurité du pays. Pourtant, le gouvernement dirigé par Aznar a épuisé toutes les solutions de répression contre le mouvement indépendantiste qui ne désespère pas de voir un jour la région, qui s’étend au nord-est de l’Espagne, se séparer de l’État central. Bien qu’il ne soit pas arrivé à ses fins en raison de l’intransigeance du gouvernement espagnol, le combat du mouvement indépendantiste basque a néanmoins pu satisfaire un certain nombre de revendications tendant à donner plus d’autonomie à cette région. Ainsi, un Parlement et un gouvernement régionaux ont vu le jour. La réponse essentiellement policière de l’Exécutif dirigé par Aznar n’empêche pas les attentats menés par les membres d’ETA de cibler hommes politiques, journalistes, avocats, juges, chefs d’entreprise… parfois, en plein centre de la capitale espagnole.
José Maria Aznar s'est toujours considéré en guerre contre "les tueurs". Lui-même a failli perdre la vie dans un attentat en 1995. Son chauffeur en est mort. Il n'a pas oublié. Pourtant, lorsqu'un an plus tard, il devient président du gouvernement espagnol, José Maria Aznar accepte de négocier, à condition que l’ETA proclame une trêve illimitée. Elle est déclarée par l’ETA tandis que le chef de l'Exécutif espagnol est en visite au Pérou. Le Parti nationaliste basque (PNV) a mené unilatéralement des entretiens secrets avec les dirigeants de l’ETA pour l'obtenir. Le 19 mai 1999, une rencontre entre représentants de l'Espagne et d’ETA aura lieu en Suisse. Elle ne mène à rien. Peu après, l'organisation suspend la trêve. Elle n'aura duré que dix-huit mois. Elle a permis, une fois de plus, à l'organisation de se restructurer. Les attentats reprennent.
Assassinat après assassinat, ETA condamne les habitants de la région à choisir leur camp. La société civile réagit. Des associations se créent. Basta ya ou le Forum d'Ermua manifestent à San Sebastian, Bilbao, Vitoria ou Pampelune pour protester contre la violence.
Aznar, de son côté, parvient à signer un pacte pour les libertés avec le PSOE.
Il dote la justice de nouvelles lois – votées par le Parlement à une large majorité qui dépasse les voix du PP – pour démanteler les réseaux logistiques et financiers de l'organisation. Journaux, écoles, mouvements de jeunes, bars, restaurants servant de "collecteurs de fonds" pour ETA seront fermés. Enfin, la vitrine politique de l'ETA, Batasuna, est interdite. L'année dernière, Madrid affichait son optimisme : l’ETA affaibli n'avait commis que trois assassinats. Cent quatre-vingt-douze personnes avaient été arrêtées grâce à une collaboration efficace avec la police judiciaire française. En pleine campagne des législatives, on ne parlait plus que de "défaite militaire" de l'organisation. Et les Espagnols estimaient que José Maria Aznar en était l'artisan.
L'homme n'ignore pas que les membres de l'ETA disposent encore de troupes prêtes à tout. Les jeunes indépendantistes qui pratiquaient la Kale Borraka (combat de rue) forment les nouveaux commandos. Ils manquent d'expérience, mais n'en sont que plus dangereux.
Quant à la direction de l'ETA, en dépit des arrestations, elle ne désarme pas.
Hamid Saïdani et agences
ETA ou Al-Qaïda ?
La revendication d’Al-Qaïda n’étant pas encore authentifiée, le gouvernement espagnol privilégie la piste basque
Si la responsabilité de l’ETA est avérée, ce serait de loin les attentats les plus meurtriers de l’organisation qui a tué environ 850 personnes depuis 1968 dans sa lutte pour un État basque dans le nord-ouest de l’Espagne et le sud-ouest de la France. Le bilan est le plus lourd en Europe depuis l’explosion d’une bombe d’un Boeing 747 de la Pan Am au-dessus de Lockerbie en Écosse faisant 270 morts. La piste des séparatistes basques restent, en effet, la plus privilégiée par les autorités ibériques vingt-quatre heures après les attentats qui ont ensanglanté Madrid. Intervenant sur les ondes de la radio RTL, la ministre espagnole des Affaires étrangères, Ana Palacio, soutient que “tous les éléments objectifs, les explosifs utilisés, la façon dont ils ont travaillé, signalent l’ETA�. À la veille de Noël, rappelle-t-elle, cette organisation a essayé de semer la mort dans une autre grande gare de Madrid avec la même méthode, des explosifs dans des sacs à dos. Son collègue du ministère de l’Intérieur, Angel Acebes, abonde dans le même sens mais il explique que la police n’écartait aucune piste, surtout après la découverte, quelque temps après les attentats, à Alcala Henares, 35 km à l’ouest de la capitale espagnole, de sept détonateurs dans un fourgon et d’une cassette audio contenant des versets coraniques. C’est à partir de cet endroit que les bombes qui ont ébranlé l’Espagne pourraient avoir été placées dans les trains. Voilà qui brouille les pistes au gouvernement Aznar qui devait organiser les élections législatives dimanche prochain. Un communiqué daté du 11 mars, signé des brigades Abou Hafs El-Masri et portant la griffe d’Al-Qaïda revendique le carnage de Madrid. La lettre parvenue à la rédaction du journal arabophone édité à Londres, El-Qods Al-Arabi, indique que “l’escadron de la mort a réussi à pénétrer au cœur des croisés européens et à infliger un coup douloureux à l’un des piliers de l’alliance croisée�. Cette attaque, ajoute le même communiqué, fait partie “du règlement d’un vieux compte avec l’Espagne, l’allié de l’Amérique dans la guerre contre l’islam�. “Où est l’Amérique, Aznar ? Qui va te protéger de nous ? La Grande-Bretagne, le Japon, l’Italie ou les autres collaborateurs ?� ajoute sur un ton menaçant la lettre non encore authentifiée et supposée être l’œuvre de l’organisation terroriste Al-Qaïda. Ce texte qui revendique également l’attaque qui a ciblé mardi dernier à Istanbul une loge maçonnique, n’amène pas pour autant les autorités espagnoles à donner du crédit à la piste de l’internationale terroriste islamiste. Elles lui préfèrent celle de l’organisation séparatiste basque même si cette dernière a toujours procédé, depuis sa création, par les assassinats ciblés. C’est d’ailleurs ce qu’a tenté de prouver le dirigeant de Batasuna, parti radical basque interdit par ses liens avec l’ETA, Arnoldo Otegi, qui a condamné ces actions aveugles et dit qu’il n’envisage même pas qu’elles émanent de l’organisation séparatiste qui, selon lui, “prévient toujours au moment de déposer les explosifs�. Pour lui, qui n’a jamais, dans le passé, condamné l’action terroriste de l’ETA, “ces attentats sont à attribuer à la résistance arabe�.
Le gouvernement espagnol ne l’entend pas ainsi. La piste ETA continue à être privilégiée même si les recherches vont aussi dans le sens des éléments d’Al-Qaïda qui écument l’Europe. Cependant, pour les experts français, les attaques de Madrid sont un acte désespéré de l’ETA.
Sa�d Rabia
José Maria Aznar
Parcours d’un pragmatique
Aznar pensait quitter la politique par la grande porte, laissant une Espagne forte des assurances qu’il lui a inculquées. Le terrorisme en a décidé autrement. Lui qui avait fait de la lutte antiterroriste son credo ; il laisse un pays meurtri par dix attentats sanglants la veille des législatives données gagnantes pour son parti. Il reste que, rarissime, même en démocratie, le Chef du gouvernement espagnol abandonne, à 51 ans, les feux de la rampe politique. Pour Aznar, en démocratie, deux mandats suffisent. En huit ans, il aura profondément marqué la politique espagnole. Derrière son manque de charisme, s’est vite imposé un pragmatique aux convictions inébranlables. Sa gestion rigoureuse, auréolée de succès économiques, sa ténacité qui lui a valu une réputation d’âpre négociateur dans les chancelleries européennes et son intransigeance face au terrorisme basque — il a survécu à un attentat à la voiture piégée de l’ETA en avril 1995 —, lui ont permis d’asseoir son autorité sur son parti, de l’extirper de son encombrant passé franquiste et même d’élargir sa popularité. Issu d’une famille aisée proche du franquisme, rien ne le prédestinait à une carrière politique. Ce n’est qu’après s’être investi dans la haute administration (inspection des finances) qu’il bascule dans la politique, en adhérant en 1979, en même temps que sa femme, Ana Botella, brillante avocate, à l’Alliance populaire, une formation de droite post-franquiste où il a joué un grand rôle dans sa transformation en Parti populaire (1989). En 1990, à 37 ans, il prend les rênes du parti. Il opère alors un recentrage de la formation conservatrice, écartant les vieux caciques marqués par le franquisme, et installant aux postes-clés des jeunes professionnels de la politique qui vont se servir des contraintes et des bénéfices de l’Union européenne pour moderniser le parti. Le PP devient alors un parti du centre et boute en 1998 les socialistes au pouvoir depuis 1982. Sa lutte sans merci contre toute forme de terrorisme lui vaut un fort courant de sympathie grâce auquel il impose en Espagne, sans trop de déchirures, son option atlantiste. Après une réélection triomphale à la majorité absolue en mars 2000, la seconde législature d’Aznar a été marquée par un virage à droite et un tournant atlantiste avec un soutien sans faille à Washington dans la crise irakienne représentée par le trio France-Allemagne-Belgique. L’épreuve avec la société civile bien-pensante a été cependant éprouvante pour Aznar.
Probablement, c’est ce qui l’aurait incité à sortir avant que la lassitude ne s’installe chez ses électeurs. Il quitte les sunlights de la scène politique, mais pas le PP, qui est assuré de la victoire que le triple attentat de jeudi va certainement conforter. Ulcérée, l’Espagne s’est soudée pour faire le serment de ne pas céder.
D. BOUATTA
Fin de mandat ensanglantée
Alors qu’il clamait haut et fort que la plus grande satisfaction de son passage à la tête du gouvernement espagnol est sa victoire sur le terrorisme, voilà que son règne s’achève sur la plus grande boucherie jamais vécue par ses compatriotes. La réponse à José Maria Aznar a été cinglante, lui qui s’apprêtait à quitter le pouvoir en beauté. Quels que soient les commanditaires et les auteurs de cette boucherie humaine, ETA ou terroristes islamistes, la conséquence est la même pour le gouvernement espagnol. Toute la traque opérée durant de nombreuses années par la Guardia civile et tous les autres corps de sécurité espagnols avec la collaboration de leurs homologues européens n’ont pas suffi pour prévenir ce genre de massacres. La péninsule ibérique a vécu jeudi les pires moments de son histoire. L’horreur était à nouveau au rendez-vous. C’est dire que ce fléau est devenu incontrôlable. Les attentats des tours jumelles new-yorkaises du 11 septembre 2001 sont encore frais dans les mémoires et rappellent au monde la difficulté de faire face au terrorisme. L’Espagne le vérifie une fois de plus à ses dépens. Toute la vigilance des services de sécurité s’est avérée vaine. Les terroristes, très patients, attendent toujours le relâchement pour frapper, et fort. Ce qui s’est passé jeudi à Madrid est une preuve supplémentaire pour l’Occident de la nécessité de coordonner les efforts pour espérer un jour venir à bout de ce phénomène dévastateur. José Maria Aznar a crié victoire trop tôt. Le spectre du terrorisme n’a pas encore totalement disparu. L’Espagne replonge dans l’horreur. Le choc fut des plus violents cette fois-ci.
Les réactions des Espagnols rapportées par les médias montrent le degré de ce choc. La peur et l’angoisse sont là . Un travail psychologique de longue haleine s’impose pour calmer les esprits. Que peut bien faire le gouvernement espagnol pour regagner la confiance de ses citoyens ? La mission du successeur de José Maria Aznar s’annonce des plus ardues. Aujourd’hui, il faut reprendre le travail à la case départ. Habituée à ne jamais baisser la garde face à ce fléau qui la ronge depuis plus de trois décennies, l’Espagne est quand même tombée dans le piège. Peut-être que les Espagnols ont vraiment cru en la victoire annoncée par Aznar ? De toute manière, les attentats de Madrid constituent la meilleure démonstration de la prestance et de la capacité du terrorisme à exploiter la moindre brèche du système de défense et de surveillance mis en place ces dernières années dans le cadre d’une concertation et d’une collaboration internationales.
K. A.
Sous le choc et en deuil
Les Espagnols voteront demain
L'Espagne, en deuil, s'apprête à voter demain, encore sous le choc de l'attaque terroriste la plus sanglante de son histoire moderne, dont l'impact politique est d'autant plus incertain que le doute subsiste entre la piste du terrorisme basque et la piste islamique. Avant ce coup de tonnerre, qui a contraint l'ensemble de la classe politique à suspendre les deux derniers jours de campagne, jeudi et vendredi, le Parti Populaire (PP, droite) au pouvoir en Espagne depuis 1996, abordait en position de force les législatives. Les derniers sondages pronostiquaient une victoire du PP, mais avec des difficultés pour conserver la majorité absolue obtenue lors du précédent scrutin en mars 2000. Le PP est désormais emmené dans la bataille électorale par le successeur désigné de M. Aznar et son bras droit pendant la dernière législature, Mariano Rajoy, 49 ans à la fin du mois. Quelque 34,5 millions d'Espagnols sont appelés à renouveler une partie du Sénat et le Congrès des députés qui élira le successeur de M. Aznar. Ce dernier, marqué par le long déclin de son prédécesseur, le socialiste Felipe Gonzalez, abandonne la politique après deux mandats de quatre ans à la tête de l'Exécutif. Son successeur, Mariano Rajoy, ratifié en septembre 2003 comme le nouveau chef de file de la formation conservatrice, a été plusieurs fois ministre dans les gouvernements de M. Aznar et son premier vice-président de 2000 à 2003 jusqu'à sa désignation comme chef de file du PP. Face à lui, se présente également pour la première fois lors d'un scrutin législatif, le secrétaire général du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), José Luis Rodriguez Zapatero, 43 ans, chef de la principale formation de l'opposition de gauche depuis juillet 2000. Suit une myriade de formations nationalistes, catalanes, basques, galiciennes, régionalistes aragonais, canariens, andalous, ou de gauche comme la coalition Izquierda Unida (IU, autour des communistes, 3e formation politique avec 5-6% des intentions de vote).
Le refus du PP de tenir le moindre débat télévisé sur ses huit ans de pouvoir, ou même la moindre conférence de presse de son candidat, a plongé la campagne électorale dans un terne duel à distance, à coups de petites phrases distillées à longueur de journaux télévisés et radiophoniques. Le principal enjeu du scrutin, selon les sondages, sera de savoir si le PP est capable de conserver la majorité absolue obtenue lors des élections de mars 2000.
M. Aznar a eu beau demander à son parti de chercher à obtenir "les meilleurs résultats de son histoire", les enquêtes d'opinion laissaient entrevoir jusqu'à la dernière semaine de campagne, un duel plus serré qu'en 2000, même si le PP compte pouvoir gouverner avec 168 sièges, la majorité absolue étant à 176 sièges (sur un Congrès de 350 députés).
Agences


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