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Face à une contestation grandissante
Le 4e mandat à rude épreuve
Publié dans Liberté le 06 - 03 - 2014

Le front du refus du 4e mandat ne désarme pas. Par la dénonciation directe, les manifestations de rue ou la dérision sur les réseaux sociaux, la contestation enfle. Les artisans de la candidature du Président sortant répliquent par à-coups, en manquant souvent d'arguments. L'ubuesque épisode du déplacement de M. Bouteflika au Conseil constitutionnel est leur plus grand ratage.
L'une des plus emblématiques figures de la guerre d'Indépendance, Djamila Bouhired, s'implique activement dans le rejet de la candidature du président Bouteflika à une nouvelle mandature. Dans une lettre, qui circule depuis mardi sur les réseaux sociaux, elle s'est excusée d'avoir raté la manifestation du
1er mars devant la faculté centrale, en raison de l'épuisement. "Malgré mon absence, j'étais de tout cœur avec eux (...) Je continuerai à me battre, malgré mon âge. Seule la mort peut me séparer de mon pays. C'est pour cela que j'appelle à un nouveau sit-in, le samedi 15 mars à 10h, devant la faculté d'Alger, symbole de la jeunesse algérienne." La célèbre héroïne de la bataille d'Alger veut, ainsi, honorer la promesse qu'elle a faite à l'opinion publique, soit de descendre dans la rue dans le cas où Abdelaziz Boutelika rempilerait pour un nouveau mandat à la magistrature suprême. Des intellectuels, des généraux à la retraite, des hommes politiques... ou de simples citoyens. Les voix hostiles au maintien du statu quo sont de plus en plus nombreuses, à telle enseigne que les partisans de cette option passent de l'offensive à la défensive. Acculés par les attaques ciblant leur candidat, ils n'ont presque plus la latitude de mettre en avant le bilan de 15 années à la plus haute fonction de l'Etat ni un quelconque programme électoral. Ils sont plutôt occupés à répliquer, par à-coups, à ceux qui brandissent la maladie du Président comme un sérieux cas d'empêchement à sa candidature. Le déplacement, lundi dernier, de M. Bouteflika au Conseil constitutionnel, pour déposer, en personne, son dossier à la magistrature suprême est alors présenté comme une carte maîtresse dans un jeu qui ne lui est pas forcément favorable. "Les Algériens ont suivi, hier (lundi, ndlr), le candidat Abdelaziz Bouteflika lors du dépôt, par lui-même, de son dossier de candidature à la magistrature suprême au Conseil constitutionnel... Il s'est conformé, ainsi, à toutes les procédures légales édictées par les lois (...) Nous dirons que l'heure de la vérité a sonné et qu'il ne reste, devant les opposants à cette candidature, que de chercher d'autres prétextes", a asséné, le lendemain, Abdelkader Bensalah, secrétaire général du RND, en direction de l'opposition, par le truchement des parlementaires et élus locaux de son parti. La même suffisance dans le ton et l'attitude est exprimée par les alliés du Président-candidat, à leur tête le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, qui a promis à l'opinion publique d'autres grandes surprises.
La promptitude à transformer une simple formalité constitutionnelle dans un processus électoral en une opération marketing a produit l'effet inverse sur l'opinion publique, tant la mise en scène manquait de cohésion et surtout de réalisme. Le déroulé du film de l'évènement en atteste. Le chef de l'Etat, qui arrive au Conseil constitutionnel presque sans préavis la veille d'une manifestation hostile à sa candidature, est installé à l'avant du véhicule officiel. Ce dernier quitte le siège de l'institution en roulant au ralenti, sur plusieurs mètres, pour que les photographes puissent témoigner, par leurs clichés, de la présence effective du président Bouteflika sur les lieux. Ces instants figés ne sont pas parvenus, néanmoins, à soustraire l'acte de l'incongruité, tant tout le reste apparaissait hors normes. Aucun journaliste ou photographe n'a été admis, comme pour les autres postulants à la fonction présidentielle, dans les locaux du Conseil constitutionnel. Seule l'équipe de la chaîne publique terrestre a filmé des séquences de l'entrevue du chef de l'Etat avec le président de l'institution, Mourad Medelci, dans une pièce différente de celle où ont été reçus les autres postulants à la présidentielle. Ce qui a suggéré à de nombreux bloggeurs l'hypothèse selon laquelle l'enregistrement de quelques secondes, diffusé sur les télévisions publiques, a été tourné ailleurs qu'au Conseil constitutionnel.
Ces images, montrant le chef de l'Etat sur un lieu public, pour la première fois depuis son accident vasculaire, sont a priori destinées à faire taire ceux qui voulaient voir le président Bouteflika pour croire qu'il est réellement remis de son éprouvante maladie. Au lieu de servir cet objectif, elles n'ont fait que conforter la conviction que le premier magistrat n'est qu'un homme âgé et malade, qui ne possède plus les aptitudes requises pour diriger le pays pendant un nouveau quinquennat. Comme l'a si bien dit le secrétaire général du RND, Abdelkader Bensalah, les Algériens ont vu le Président-candidat. Ils ont, en réalité, vu un homme amoindri, qui manque de vivacité, le regard vitreux et la voix à peine perceptible. Ils l'ont entendu, aussi, se tromper, sans s'en rendre compte, sur l'énoncé d'un article de la loi électorale, citant le n°32 qui parle de la mise "à la disposition de l'électeur, le jour du scrutin, des bulletins de vote dont le libellé et les caractéristiques techniques sont définis par voie réglementaire..." au lieu du n°136 qui définit la procédure du dépôt de dossier de candidature au Conseil constitutionnel. Une confusion qui fait encore le buzz sur les réseaux sociaux. Autre lapsus, le chef de l'Etat a évoqué l'article 74 de la Constitution, lequel édicte l'illimitation des mandats présidentiels, sur la manière de la réponse du berger à la bergère. Sauf qu'il a manqué de spontanéité. Il a semblé réduit à répéter machinalement une leçon apprise approximativement. Les citoyens ne l'ont pas vu, par ailleurs, comme lors de ses précédents mandats, fouler le sol de l'institution d'un pas alerte, badinant avec son président, puis s'adressant aux journalistes avec arrogance. En définitive, le clan présidentiel a tort de croire avoir légitimé définitivement le 4e mandat. Le doute sur les capacités physiques d'Abdelaziz Bouteflika à continuer à présider aux destinées du pays est devenu, depuis lundi soir, une certitude.
S. H
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